Représentations et attitudes à l'égard de la vie affective et sexuelle des personnes âgées

Abstract

Protocole Au fur et à mesure de l’évolution, l’être humain a vu son espérance de vie augmenter et la conséquence de cette réalité implique que le vieillissement de la population est bien plus rapide qu’auparavant. Selon l’OMS (2018), entre 2015 et 2050, la proportion des personnes ayant 60 ans et plus va presque doubler, passant de 12% à 22%. Ces chiffres sont colossaux et ils le sont d’autant plus lorsque nous incluons la notion temporelle, à savoir qu’il s’agit d’une augmentation de 10% en l’espace d’une décennie seulement. Les raisons de cette évolution découlent de plusieurs facteurs. On retrouve notamment le développement des moyens de contraception et donc le contrôle de la reproduction, la baisse des taux de fécondité et la crise financière. En résumé, la population ainée augmente de façon considérable et cela provoque inéluctablement des conséquences dans le secteur de la santé mais également sur le plan économique et social. Face à ces bouleversements, la société doit faire face à ce changement majeur en mettant en place les moyens nécessaires pour s’y adapter au mieux. Cela représente un enjeu complexe dans la mesure où il faut tenir compte d’une multitude de paramètres tant du côté de l’organisation sociale, économique et politique, que du côté humain, sans oublier bien sûr, les limites de chacun d’eux. Le vieillissement comme « processus naturel commençant à la conception de l’être et se poursuivant tout au long de la vie ; implique un changement et est habituellement vu comme un processus de désagrégation, de déclin, de déchéance » (Adam, 2016), amène à une image négative à la simple lecture des trois derniers termes. En effet, le vieillissement est une thématique qui génère beaucoup de représentations et d’attitudes négatives qu’on appelle l’âgisme. Celui-ci se manifeste par des réactions hostiles des individus de tout âge à l’égard de la vieillesse et par une discrimination des personnes âgées (Bizzini & Rapin, 2007). Selon Butler (1969), « l’âgisme reflète le profond malaise des jeunes et des adultes d’âge mûr face à la vieillesse (cité par Bizzini, 2007). Omniprésent dans la société, il est d’autant plus important de porter une attention particulière à ce phénomène social.

Adam (2016) définit la vieillesse comme suit : « état de la personne dans son âge avancé dont le début est fixé arbitrairement à partir de l’âge chronologique ». Cette définition met l’accent sur l’état de la personne à la suite de tous les changements qu’implique le vieillissement. Chaque être humain vieillit différemment et personne n’est égal face à ce processus naturel de développement. Cette variabilité interindividuelle démontre donc bien l’hétérogénéité du vieillissement (Adam, 2016). L’adaptation de chacun face aux changements qui s’imposent à lui dépendra d’une multitude de paramètres tels que ses forces et ses faiblesses, son histoire de vie, son entourage, ses capacités physiques ainsi qu’à son état d’esprit général. La population âgée est aujourd’hui très hétérogène, notamment en raison de l’apparition du quatrième âge qui engloberait toute personne âgée de plus de 80 ans (Ouellette & Lecomte, 2002). Par conséquent, plus la population vit longtemps, plus la diversité des besoins est susceptible de varier. La réalité a évolué et le besoin de formations dans le domaine devient plus que nécessaire malgré que ce soit une discipline encore récente en matière d’enseignement. Ce n’est qu’à partir des années 70 que les recherches et les publications dans le domaine de la psychologie du vieillissement ont commencé à voir le jour. Des Universités au Canada ont développé des programmes dédiés à cet apprentissage. Les premiers sont apparus en Ontario et à Ottawa (Ouellette & Lecomte, 2002). En Belgique, les premiers cours sur la psychologie du vieillissement ont vu le jour à l’Université de Liège en 2010 mais uniquement en Master. A partir de 2014, d’autres cours ont fait partie du cursus des étudiants dès les premières années de Bachelier (Adam, 2016). Aujourd’hui, on constate un nombre croissant d’étudiants qui s’orientent dans le secteur du vieillissement bien que cela reste une minorité comparativement aux autres domaines. Dans le secteur médical et paramédical, on a constaté que le pourcentage d’heures de formation sur le vieillissement ne dépassait pas les 10%. A l’heure actuelle, trop peu ou parfois aucun cours ne font partie du cursus des étudiants dans le domaine de la santé. Or, le nombre de personnes âgées de 80 ans ou plus, aura été multiplié par quatre ou presque pour atteindre 434 millions entre 2000 et 2050 (OMS, 2018). Il est évident que la société a et aura besoin de professionnels ayant bénéficié d’une formation leur permettant d’acquérir les compétences, les connaissances ainsi que les outils nécessaires pour travailler avec cette population. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons bien entendu aux ainés mais plus particulièrement à leur vie affective et sexuelle, dimensions précieuses de la vie à tout âge. Si le vieillissement est encore un sujet tabou, l’affectivité et la sexualité des ainés le sont davantage. La vie affective et sexuelle fait partie intégrante de l’existence de tout être humain et nous pouvons dire que celle-ci est plus que jamais d’actualité dans notre société. De manière directe ou implicite, on retrouve cette notion de sexualité un peu partout : dans la littérature, au cinéma, dans les publicités, dans le commerce et dans les médias (Perriard, 2013). Toutefois, lorsqu’elle concerne la population ainée, elle est particulièrement stigmatisée. La sexualité fait partie de la santé de tout individu. En 1974, l’OMS définit la santé sexuelle comme « l’intégration des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de l’être sexué́, de manières qui soient positivement épanouissantes et qui valorisent la personnalité́, la communication et l’amour » (cité par Bluzat, 2015). Outre la santé sexuelle physique, cette définition établit donc une santé sexuelle reproductive, mentale et émotionnelle (cité par Bluzat, 2015). Environ trente ans plus tard, l’OMS établit que « la santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité́, la possibilité d’avoir des relations sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, discrimination ou violence, et dans le respect des droits sexuels des personnes » (cité par OMS, 2019). Compte tenu de la littérature, il semble complexe de trouver un consensus quant à la définition du concept de sexualité. En effet, chaque discipline la conceptualisera selon ses propres critères. De plus, cette notion paraît difficile à catégoriser en raison de son caractère multidimensionnel. La sexualité englobe l’aspect physique, mais également psychologique, émotionnel et affectif. Elle ne peut donc se réduire à un rapprochement entre deux corps (Imbert, 2012). Elle implique toute une multitude de composantes telles que la sensualité, le sentiment amoureux, les caresses, les fantasmes et chaque individu aura sa propre façon de se représenter sa sexualité. Une étude récente sur la sexualité dans le monde auprès de 26 000 personnes âgées de 40 à 80 ans dans 29 pays rapporte qu’un grand nombre d’aînés demeurent intéressés par la sexualité. De fait, 79 % des hommes et 65 % des femmes de 60 à 69 ans mentionnent que la sexualité les intéresse toujours. C’est également le cas pour 64 % des hommes et 37 % des femmes de 70 à 79 ans. Cette même enquête rapporte que 42 % des hommes et 23 % des femmes âgés de 60 à 69 ans disent avoir des relations sexuelles au moins une fois par semaine, de même que 26 % des hommes et 24 % des femmes âgés de 70 à 79 ans (Dupras, 2016). Et qu’en est-il de celle des personnes âgées institutionnalisées et n’ayant donc plus une totale liberté de leur activité au sens large du terme, mais sexuelle également? La situation est fondamentalement différente étant donné qu’elles sont soumises à des contraintes et obligations propres aux institutions au sein desquelles elles résident. Elles n’ont plus le privilège d’être libres, de choisir leur rythme, leur horaire et de faire ce qu’elles veulent, quand elles le veulent. Concernant la sexualité, c’est une thématique oubliée et lorsqu’un épisode marquant a lieu au sein d’une institution, celui-ci induit des réactions diverses et variées telles que l’étonnement, le dégout et des représentations négatives,... Tout cela est très souvent marqué par de l’évitement (Perriard, 2013). Probablement que ces réactions sont en partie dues au manque de formations et de l’absence des connaissances concernant cette thématique à cet âge-là. De manière générale, le personnel soignant se sent démuni et ne sait pas comment agir et réagir lorsqu’il est confronté à l’expression de la sexualité de leurs résidents. Le personnel n’est pas expérimenté pour accueillir la sexualité d’autrui, phénomène pourtant normal et humain (Darnaud, Sirvain, Igier & Taiton, 2013). Est-ce pour autant une raison valable pour que les personnes âgées en soient dépourvues ?

Dans le cadre de cette étude, nous allons nous attarder sur les représentations ainsi que les attitudes de la population générale à l’égard de la sexualité des ainés. La sexualité occupe une place importante dans la vie et bien que le vieillissement implique des changements en tout genre, les pulsions et envies sexuelles existent toujours et sont bel et bien présentes chez les individus de tout âge. L’avenir des êtres humains à partir d’un certain âge mérite notre intérêt, incluant toute les facettes de l’existence (santé, vie sociale, affective, sexuelle, émotionnelle et économique) car personne n’y échappera.

Méthodologie

Pour mener à bien notre recherche, notre échantillon de 260 sujets sera répartis équitablement selon quatre groupes :

o Groupe 1 : 20 - 50 ans o Groupe 2 : 50 - 70 ans o Groupe 3 : 70 ans et plus o Groupe 4 : Le personnel soignant, tout âge et professions confondues.

Chaque groupe comportera 65 participants.

Chaque participant volontaire répondra à un questionnaire composé de plusieurs parties. Dans un premier temps, un questionnaire sociodémographique sera soumis au sujet, lui demandant son âge, son statut matrimonial, le niveau d’étude qu’il a obtenu et la profession qu’il exerce. Ensuite, quelques questions semi-ouvertes seront posées au sujet, lui demandant de répondre simplement sous la forme de pourcentages ou de mots. Pour terminer, le questionnaire ASKAS sera soumis au sujet. Il s’agit d’un questionnaire sur les attitudes et les connaissances sur la sexualité des ainés , validé en anglais mais pour lequel une traduction en français sera effectuée. Celui-ci se compose de 61 items répartis en trois parties. La première partie (35 items) concerne les connaissances sur la sexualité des ainés et le sujet répondra sous forme de vrai ou faux avec la mention supplémentaire “je ne sais pas”. La seconde partie (26 items) parle des attitudes et une échelle type Licket à 7 points sera utilisée (pas d’accord = 1 / d’accord = 7). Enfin la troisième partie (20 items) abordera les représentations que le sujet peut avoir de la sexualité d’une personne âgée en maison de repos.

Selon les possibilités du sujet, nous utiliserons des questionnaires en ligne ainsi que des entretiens individuels. Il s’agira du même questionnaire, simplement la modalité de passation sera différente. Nous privilégierons les questionnaires en ligne pour les sujets habitués à manipuler un ordinateur et les entretiens pour les autres (notamment les personnes âgées). Selon la modalité de passation, la durée pour répondre aux questionnaires sera différente. Pour les questionnaires en ligne, le sujet aura environ besoin de 15-20 minutes. Par contre, pour les entretiens individuels, il faudra compter environ 45 minutes puisque dans ce cas ci, c’est l’expérimentateur qui encodera les réponses que le sujet fournit pour chacune des questions.

Concernant les données à caractère personnelles, seuls les sujets qui répondront aux questionnaires lors d’un entretien individuel devront nous donner leurs coordonnées afin de pouvoir les contacter pour une entrevue. Ces données seront conservées dans un document sécurisé et sera détruit après 6 mois.

A propos du traitement des données récoltées, il s’agira principalement d’analyses quantitatives. Des statistiques seront effectuées au moyen d’un logiciel informatique. Les données de réponse et les résultats seront enregistrés dans un fichier sauvegardé et sécurisé seul l’étudiant responsable de la recherche et le promoteur auront accès. Ce fichier sera stocké dans une base de données à l’Université de Liège.

Objectifs & Hypothèses L’objectif de la recherche est d’étudier les représentations et les attitudes de la population générale ainsi que des professionnels de la santé en lien direct avec des personnes âgées, sur la thématique de la sexualité des ainés. Hypothèses :

- Hypothèse relative aux données sociodémographiques influençant les connaissances et attitudes à l’égard de la vie affective et sexuelle des personnes âgées.

- Hypothèse relative au lien existant entre les connaissances et les attitudes de l’échelle ASKAS.

- Hypothèse relative aux connaissances et attitudes des professionnels de la santé à l’égard de la vie affective et sexuelle des personnes âgées.

- Hypothèse relative aux connaissances et attitudes des ainés à l’égard de la vie affective et sexuelle des personnes âgées.

- Hypothèse relative aux personnes âgées de 65 ans et plus sexuellement actives.

Bibliographie

Adam, S. (2016). Psychopathologie de la personne âgée. Université de Liège.

Bizzini, L. (2007). L’âgisme : Une forme de discrimination qui porte préjudice aux personnes âgées et prépare le terrain de la négligence et de la violence. Gérontologie et société, 123 (30), 263-278. doi:10.3917/gs.123.0263.

Darnaud, T., Sirvain, S., Igier, V., & Taiton, M. (2013). Une étude sur la sexualité cachée des personnes âgées en institution. Sexologie, 22, 169-175. doi :10.1016/j.sexol.2013.03.009. Dupras, A. (2016). Une sexualité en santé et enchantée pour les personnes âgées. Empan, 2 (102), 123-129. doi :10.3917/empa.102.0123.

Imbert, G. (2012). Evolution de la sexualité, des désirs et avancée en âge : des regards psychanalytique, médical et sexologique. Gérontologie et société, 35 (140), 193-203. Ouellette, R. & Lecomte, R. (2002). Population vieillissante oblige : formation à l’intention des intervenants en santé et services sociaux. Reflets, 8 (1), 158–163. Perriard, C. (2013). Connaissances, attitudes et interventions des soignantes face à la sexualité des personnes âgées institutionnalisées. Mémoire de bachelier en soin infirmier non publié, Haute Ecole de Santé, Fribourg. Thibaud, A. & Hanicotte, M. (2007). Quelles représentations les soignants ont-ils de la sexualité des sujets vieillissants ? Gérontologie et société, 30 (122), 125-137. Troussier, T., Bluzat, L., Amsellem-Mainguy, Y., & Dutriaux, N. (2015). Santé sexuelle : concept, ressources et retours d’expériences. Centre universitaire des Saints-Pères, Paris.

Site web

Organisation mondiale de la santé. (2018). Vieillissement et santé. Retrieved from https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health, consulté le 22/03/19.

Organisation mondiale de la santé. (2019). Santé sexuelle. Retrieved from https://www.who.int/topics/sexual_health/fr/, consulté le 22/03/19.