Le N of 1 trial : utile et applicable en médecine vétérinaire ?

Abstract

Il est recommandé au vétérinaire de prendre les meilleures décisions médicales possibles sur base des données scientifiques issues de la recherche et de son expérience personnelle. Il semble pourtant que l’Evidence Based Veterinary Medicine reste difficile à mettre en pratique en raison de divers obstacles, dont la difficulté de réaliser des essais cliniques sur des grands groupes. Certains évoquent aussi la difficulté d’évaluer des traitements individualisés. Une méthodologie expérimentale portant sur l’individu permettrait de concilier rigueur scientifique et contraintes pratiques, notamment en limitant la taille de l’échantillon à 1 (n = 1) et en s’approchant plus de la médecine individuelle pratiquée par le vétérinaire. Dans cet ordre d’idée, une méthode de recherche, le « N of 1 trial » ou « essai de taille 1 » est décrit en médecine humaine. On peut se demander si cette méthodologie expérimentale est applicable en médecine vétérinaire. C’est en 1986 que les pères de l’Evidence Based Medicine, à la Mc Master University (Canada), publient un article sur des essais thérapeutiques randomisés chez des patients étudiés individuellement. Ils développent ensuite un service de référé pour aider les médecins à réaliser un N of 1 trial chez des patients et publient des recommandations pour les praticiens. Finalement, un nombre relativement limité d’études voient le jour. Une série d’articles, publiés dans Journal of Clinical Epidemiology en 2015, tentent de remettre le N of 1 trial au goût du jour. Cette littérature scientifique permet de mieux comprendre la méthodologie et les obstacles liés au N-of-1 trial. La méthodologie du N-of-1 trial peut être synthétisée par les termes anglais “single patient, randomized, double-blind, controlled cross over”. Elle convient pour tester (1) un traitement, (2) pour des maladies chroniques, (3) même chez des patients atteints de comorbidités, (4) par exemple lorsqu’on souhaite voir si un traitement peut être déprescrit. Des exemples d’applications dans le cadre des médecines alternatives sont donnés. Comme pour toute étude un protocole rigoureux doit être suivi. Des critères d’éligibilité du patient doivent être expliqués clairement. Le ou les traitements testés doivent être décrits avec détails. Les paramètres cliniques doivent être mesurés précisément. Il peut s’agir de signes cliniques détectés par le praticien, mais également de l’avis du patient. Le praticien vétérinaire, comme le médecin, réalise des essais thérapeutiques de façon intuitive sur les animaux qu’il soigne. Le N of 1 trial, un des outils existants, est-il applicable et réalisable en médecine vétérinaire ? C’est la question qui a été posée aux lecteurs du journal « Pratique Vétérinaire Equine », la revue de pratique vétérinaire francophone, via un questionnaire. Même si le taux de réponse est faible, il en ressort que la méthodologie pourrait être applicable et trouverait des champs d’action en médecine vétérinaire équine, par exemple pour évaluer les traitements de la dermatite estivale, de l’asthme équin ou d’endométrite chronique. Il est cependant à craindre que la réalisation de pareils essais reste difficile et qu’il faille beaucoup d’énergie et de détermination pour vaincre des obstacles comme l’adhésion parfaite des propriétaires, le temps et la rigueur que le praticien devra consacrer à l’essai, la récolte et analyse des données, ou des difficultés pratiques comme la réalisation du placebo.