L'arrêt Le Compte de la Cour de cassation du 3 mai 1974 : Séparation et lutte des pouvoirs dans l'État de droit d'hier et d'aujourd'hui

Abstract

L’arrêt Le Compte, prononcé par la Cour de cassation le 3 mai 1974, a particulièrement marqué l’histoire du droit constitutionnel belge tant il s’insère difficilement dans la construction traditionnelle de notre État de droit, où les pouvoirs du juge sont supposément les plus restreints, tandis que les mains du Législateur ne connaissent virtuellement que peu d’entraves. En effet, en jugeant de ce que le Pouvoir législatif est permis de faire en vertu de la Constitution, la juridiction judiciaire suprême s’est fameusement retrouvée à un « pas » de créer explicitement un contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois. Ce travail, situé au confluent du droit constitutionnel, de la théorie du droit et de son histoire, s’attellera à étudier les ramifications et les conséquences de l’arrêt de la plus haute juridiction judiciaire sur la notion de la séparation des pouvoirs en droit belge. En outre, cette étude visera à expliquer comment un tel « coup d’État » fut possible, et même, à notre sens, préparé par le Pouvoir judiciaire. Sur ce dernier point, une attention toute particulière sera portée à la figure du plus célèbre Procureur général près la Cour de cassation belge, Ganshof van der Meersch, qui avait anticipé cette prise de pouvoir de l’Ordre judiciaire, posant la question des rapports entre droit et influence de la personne du magistrat.