Le blasphème, au carrefour des ordres juridiques religieux et étatiques

Abstract

Le présent travail s’intéresse à la notion de blasphème, à la faveur de son retour sur le devant de l’actualité avec la récente tentative d’assassinat de Salman Rushdie. Si la notion de blasphème fait partie intégrante du lexique des religions révélées (judaïsme, christianisme, islam), elle semble faire figure d’anachronisme dans les systèmes juridiques des démocraties libérales. La première partie de ce travail aura pour objet de rappeler le statut du blasphème dans les principaux droits religieux, d’une part, et dans certains droits étatiques (français, anglais et belge) et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’autre part. De ce dernier point de vue, nous aurons l’occasion de constater que l’hypothèse d’un « droit au blasphème » automatique dans les ordres juridiques étatiques doit être relativisée. Quoi qu’il en soit, il se trouve que les discours blasphématoires font l’objet de traitements différenciés et concurrents selon les ordres juridiques (religieux ou étatiques). La théorie de la pluralité des ordres juridiques de Santi Romano permet d’étudier avec précision les diverses interactions entre ces ordres juridiques. La seconde partie de notre travail tentera donc de modéliser, sur la base de cette théorie, les différentes catégories de rapports entre ordres étatiques et religieux sur le sujet spécifique du blasphème.