"Oh, vous savez, c'est l'âge." Les attitudes des soignants face à la dépression des aînés

Abstract

Les personnes âgées, dont la proportion est en augmentation (Duyck, & al., 2022, paragr. 7), se voient quotidiennement confrontées à l’âgisme (Ng & al., 2015). La société tend à les voir comme incapables d’apprendre de nouvelles choses, de mauvaise humeur mais aussi comme malades, seules et dépendantes (Crutzen & al., 2022 ; Nelson, 2011). Aussi, leurs interlocuteurs, mûs par une impression d’incompétence à l’égard des plus âgés, peuvent se laisser aller à vouloir les aider, même lorsque ce n’est pas nécessaire, ce qui provoquerait une baisse de l’indépendance des personnes concernées (Cohen 1990, cité par Cuddy & al., 2005 ; Fiske, 2012). Dans le milieu du soin, ces stéréotypes semblent encore plus importants (Crutzen & al., 2022). Plusieurs études démontrent un manque d’attention à la douleur et à la sexualité des personnes âgées (Gott & al., 2004 ; Maes & Louis, 2011 ; Presley & al., 2018, Stewart & al., 2012). Mais qu’en est-il du plan émotionnel ?

Les personnes âgées sont jugées comme plus tristes mais semblent pourtant sous-diagnostiquées (Argyropoulos & al., 2015 ; Basta & al., 2021 ; Bleijenberg & al., 2012). Leurs préférences ne semblent pas prises en compte et les traitements privilégiés sont liés aux antidépresseurs (Atkins & al., 2015 ; Gum & al., 2006 ; Olfson & al., 2016). Or, cette médication peut avoir des effets indésirables importants voire dangereux : chutes, fractures, hausse de la mortalité, problèmes cérébrovasculaires ou encore problèmes cardiovasculaires (Biffi & al., 2017 ; Brännström & al., 2019 ; Coupland & al., 2018 ; Lin & al., 2021 ; Van Poelgeest & al., 2021 ; Warden & Fuchs, 2016). Malgré ces risques, la psychothérapie semble laissée de côté au profit de ces médications pourtant contre-indiquées (Pettit & al, 2017).

La littérature examinant en général spécifiquement quelques professions médicales, notre objectif était d’évaluer la manière dont l’entièreté du corps soignant impliquée dans le processus de dépression chez la personne âgée traiterait celle-ci. Nous cherchions à savoir si les soignants montreraient des différences de diagnostic et de préférences en termes de traitement entre les personnes âgées et les personnes jeunes. Nos hypothèses étaient que, chez la personne âgée, la dépression serait moins diagnostiquée, les antidépresseurs seraient prescrits plus fréquemment, la psychothérapie prescrite moins fréquemment et que les préférences seraient moins interrogées. Aussi, nous nous attendions à ce que le degré d’âgisme des participants influence l’importance des différences d’attitudes envers les personnes jeunes et âgées.

Nos résultats n’ont pas corroboré ces hypothèses mais ont néanmoins mis en avant l’importance d’éduquer sur les risques particuliers qu’encourent les personnes âgées lors de la prise d’antidépresseurs ainsi que sur les caractéristiques spécifiques que la dépression peut présenter avec l’avancée en âge.