Le monde d'à côté : Situation et territorialisation du sans-papiers

Abstract

Pour cette étude, notre objectif était d'interroger le processus de territorialisation et sa possibilité d'aboutissement, donc, de conversion d'un espace en territoire, chez le sans-papiers – qui n'a justement pas l'autorisation d'être chez lui là où il se trouve. Pour cela, nous nous sommes intéressée à un terrain particulier : l'Occupation, un lieu où réside un Collectif d'environ quatre-vingt sans papiers. Une démarche qualitative (l'observation participante et des entretiens semi-directifs comme méthodes de récoltes des données, et la méthode par théorisation ancrée comme méthode d'analyse) a été choisie pour mener cette recherche, nous permettant d'approcher le vécu du sujet que nous rencontrions, d'entrevoir sa réalité. Si la question du territoire nous guide tout au long de l'étude, elle est abordée sous un angle de vue assez large, puisque nous souhaitions tout d'abord comprendre la situation des sujets rencontrés. Quatre grandes dimensions de cette situation constituent les quatre chapitres de ce mémoire : Les dimensions spatiale, temporelle, sociale et corporelle. Le processus de territorialisation est exploré à travers elles. Les occupants que nous rencontrons sont en fait pris dans deux dispositifs différents : la condition du sans-papiers, et le Collectif en lutte dont ils deviennent membres en intégrant l'Occupation. Au fil de notre étude, nous voyons que ces dispositifs créent finalement presque deux sujets différents, avec chacun leur rapport au monde, leur mode d'existence propre. Le premier, le sans-papiers à qui l'on interdit d'exister, voit l'espace et le temps lui glisser entre les doigts. En danger, il tente de disparaître dans la foule pour ne pas se faire démasquer. Le second, lui, existe à travers le Collectif et la lutte qui y est menée, même si beaucoup de contraintes accompagnent cette vie d'occupant. Il poursuit l'espace, le temps, la liberté de mouvement et d'action dont sa condition de sans-papiers le prive. Mais cette condition qui reste en arrière-plan fait des espaces territorialisables des terrains glissants, que le sujet ne peut jamais être sûr de retrouver, faisant finalement tourner le processus de territorialisation, en quelque sorte, à vide.