Quantification de la douleur chez les bovins : fiabilité inter-évaluateurs de l'échelle de douleur de la vache

Abstract

Introduction : De nos jours, le bien-être animal se trouve au cœur de préoccupations sociétales croissantes, et ce notamment dans le domaine de l’élevage à destination de notre consommation. La douleur chez les bovins est encore aujourd’hui difficile à objectiver, en raison de plusieurs facteurs mais principalement à cause du comportement stoïque de cette espèce, lié à son statut de proie. L’échelle de douleur de la vache (Cow Pain Scale – CPS), basée sur des critères comportementaux, offre une approche facile et rapide à l’évaluation de ce paramètre mais plusieurs critères de validité et fiabilité doivent encore être améliorés car leur niveau de preuves reste faible, c’est le cas de la fiabilité inter-évaluateurs sur laquelle porte ce travail. Objectif : Cette étude vise à évaluer la cohérence des scores attribués via la CPS entre un grand nombre d’évaluateurs (étudiants, vétérinaires, éleveurs), afin de déterminer la robustesse de l’échelle face aux différents profils d’évaluateurs susceptibles de l’utiliser et d’ainsi renforcer les connaissances actuelles sur le niveau de preuves de cet outil. Matériel et méthodes : Un questionnaire a été réalisé et diffusé largement. Deux cents participants y ont évalué huit vidéos de vaches présentant divers degrés de douleur à l’aide de la CPS. Les répondants, regroupés selon leur profil professionnel, ont attribué un score de douleur à chaque cas. La fiabilité inter-évaluateurs générale de l’échelle a été objectivée à l’aide du coefficient de corrélation intraclasse (ICC). Des tests non paramétriques (Kruskal Wallis, Mann-Whitney) ont été utilisés pour comparer les résultats attribués par les différents groupes (étudiants – vétérinaires – éleveurs et vétérinaires à pratique rurale au moins mixte et autres vétérinaires). Résultats : L’ICC de 0.667 révèle une fiabilité inter-évaluateurs modérée pour la population globale de répondants. Le même constat est observé au sein des catégories suivantes : étudiants – vétérinaires – éleveurs, avec des ICC respectifs de 0.640 – 0.702 et 0.709. Des divergences significatives ont été mises en évidence entre ces mêmes catégories dans la moitié des cas évalués. Les étudiants ont montré une tendance à attribuer des scores plus sévères que les vétérinaires, mais aussi dans certains cas, que les éleveurs également. Les vétérinaires ruraux ont attribué des résultats plus bas que les autres vétérinaires, mais les différences entre ces deux groupes ne se retrouvent que dans 25% des cas, ce qui montre qu’une cohérence plus importante des résultats est présente au sein de ce groupe d’évaluateurs. Ces résultats corroborent ceux apportés par le calcul de l’ICC, en soulignant une fiabilité plus élevée des évaluations intra-groupes en comparaison à celle observée entre groupes par les autres tests. Discussion : L’expérience et la familiarité avec le comportement bovin sont des facteurs qui influencent significativement l’évaluation de la douleur dans cette espèce. Les étudiants, moins expérimentés, tendent à évaluer celle-ci plus sévèrement. La subjectivité persistante dans l’usage de la CPS limite sa généralisation à tout profil d’utilisateur en l’absence d’une amélioration des critères de validité de cet outil et sans formation préalable des évaluateurs. Conclusion : La CPS présente une base prometteuse au développement d’un outil fiable et valide de l’évaluation de la douleur bovine mais requiert certains ajustements. Des études complémentaires sont nécessaires à l’amélioration du niveau de preuves de cet outil afin de pouvoir l’intégrer, sans risque, dans une pratique vétérinaire rurale quotidienne.