L'effet du genre sur la transmission des souvenirs au sein des familles

Abstract

Objectifs : Cette étude avait pour objectif d’examiner l’effet du genre sur la transmission des souvenirs au sein des familles. Elle visait à comparer le style narratif des mères et des pères, ainsi que l’expression émotionnelle dans les dyades parents-enfants, en distinguant d’une part les dyades parents-filles et parents-fils, et d’autre part plus spécifiquement les dyades mères- filles et mères-fils. Méthodologie : L’étude a été menée auprès de 111 dyades parent–enfant ou grand-parent– petit-enfant. Chaque adulte devait raconter trois souvenirs personnels vécus avant l’âge de 30 ans et déjà partagés avec l’enfant/petit-enfant, tandis que chaque enfant devait, de son côté, choisir trois souvenirs que son parent ou grand-parent avait vécus avant ses 30 ans et dont il avait entendu le récit. Ces histoires étaient ensuite restituées par l’autre membre de la dyade, ce qui permettait d’examiner la transmission des souvenirs selon deux perspectives : du narrateur vers le récepteur (Top-Down) et du récepteur vers le narrateur (Bottom-Up). Résultat : Les résultats ont montré que, contrairement aux hypothèses, il n’existait pas de différences significatives entre les mères et les pères dans leur style narratif ni dans l’usage du vocabulaire affectif. En revanche, des différences apparaissent selon le genre de l’enfant : les souvenirs partagés avec les filles étaient généralement plus intenses et plus souvent associés à des émotions négatives, tandis que ceux transmis aux fils étaient plutôt de valence positive. De plus, l’analyse fine des dyades a mis en évidence que les mères évoquent avec leurs filles des récits particulièrement chargés émotionnellement, surtout du côté des émotions négatives, alors que leurs échanges avec leurs fils étaient moins intenses. Conclusion : Les résultats indiquent que le genre constitue un facteur d’influence dans la transmission familiale des souvenirs, mais son impact demeure nuancé. Les différences apparaissent davantage dans la dynamique parent–enfant, en particulier au sein des dyades mères–filles, contrairement à l’analyse de la richesse émotionnelle et du contenu narratif des récits entre mères et pères, qui n’a révélé aucune différence significative. L’absence de différences entre parents peut suggérer une évolution des rôles parentaux, caractérisée par une implication émotionnelle croissante des pères. La transmission des souvenirs doit ainsi être comprise comme un processus multidimensionnel, façonné par l’articulation de facteurs culturels, sociaux et individuels, le genre n’en représentant qu’une composante parmi d’autres.