Le modèle social européen à l'épreuve du détachement des travailleurs

Abstract

La présente contribution a pour ambition d’étudier le modèle social européen à l’aune du phénomène du détachement des travailleurs. La question de recherche guidant cette étude est de se questionner sur l’état de santé du modèle social européen à travers la notion de détachement. Là où le modèle social serait le patient malade, le détachement en serait l’un des virus dont découleraient plusieurs symptômes. Dans la première partie sera envisagée la place réservée à la question sociale dans chacune des étapes de la construction européenne, chaque étape ayant contribué à l’émergence de ce modèle social à l’échelle européenne. Dans cet exposé, le parti de trancher une controverse sera pris : alors que certains auteurs clament la mort du modèle social, nous le considérerons simplement comme souffrant, affaibli par ses élargissements et ses crises financières. La deuxième partie présentera la notion de « détachement » et son cadre législatif arrivé à bout de souffle pour diverses raisons. Tout d’abord, parce que la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs est intrinsèquement propice aux dérives. Ensuite, car la jurisprudence Viking et Laval de la Cour de justice de l’Union européenne a vraisemblablement entériné la possible symbiose entre les aspects économiques et sociaux au sein de l’Union. Pour ces raisons, la réforme de la directive est essentielle. Toutefois, cet état léthargique du modèle social ne doit pas être pris comme acquis puisque cette étude sera aussi l’occasion d’envisager des pistes de réflexion prouvant que l’euthanasie de l’Union européenne n’est pas la solution et que son autopsie devra encore attendre. Des thérapies sont en effet possibles à condition d’abandonner l’hypocondrie et d’avoir la volonté politique de rétablir l’équilibre entre droits sociaux et libertés économiques perturbé par les Juges européens. Longtemps réduite à peau de chagrin, la question sociale doit être réinjectée avec force dans les débats sur le devenir de l’Union européenne pour replacer le citoyen au centre des préoccupations. En parallèle, des évolutions sociales fortes et profondes doivent être pensées puis menées afin de prévenir tout risque de contagion comme l’a proposé en 2016 la Commission européenne par sa décision de réformer la directive « détachement ». Il se pourrait bien que le bonheur collectif soit à portée de réformes.