Le sentiment de perte ambiguë et le pré-deuil chez les aidants proches de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence apparentée

Abstract

A l’heure actuelle, nous observons un vieillissement de la population mondiale. Cet allongement de l’espérance de vie conduit notamment à une augmentation de la probabilité de développer une démence. Afin que les personnes âgées dépendantes soit maintenues le plus longtemps possible à domicile, il est nécessaire de compter sur l’aide fournie quotidiennement par les aidants proches. Le fait d’apporter de l’aide à un proche n’est pas chose nouvelle. En revanche, sa reconnaissance et l’intérêt porté aux aidants par la société est récente (Gand & al., 2012). La littérature s’est principalement focalisée sur le sentiment de charge et la détresse psychologique ressentis par les aidants (Pearlin & al., 1990) tandis que les facteurs émotionnels, à savoir le sentiment de perte ambiguë et le pré-deuil, ont été peu investigués. Pourtant, plusieurs auteurs (Holley & Mast, 2009 ; Noyes & al., 2010) s’accordent à dire que ceux-ci seraient des facteurs de stress primaires. En outre, Dupuis (2002) soutient que l’une des expériences les plus douloureuses pour l’aidant est de faire face aux différentes pertes engendrées par l’avancée de la maladie, et plus particulièrement sa perte psychologique (ou notion de « perte ambiguë » décrit par Boss (1999)). Sur base de ces constats, l’objectif de notre travail était d’analyser l’évolution du sentiment de perte ambiguë et du pré-deuil ressentis par les aidants au cours de la maladie du proche. De plus, nous avons examiné certains facteurs susceptibles de prédire ces deux composantes émotionnelles et nous avons également essayé de déterminer dans quelle mesure celles-ci prédisaient le sentiment de charge. En ce qui concerne l’évolution du sentiment de perte ambiguë et du pré-deuil, les résultats ne nous permettent pas de nous positionner quant à une quelconque influence du stade de la maladie de l’aidé. Toutefois, certaines tendances tendent à appuyer les constats posés dans la littérature (Adams & Sanders, 2004 ; Ponder & Pomeroy, 1997). Plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer cette absence de résultats : (1) la taille de l’échantillon, (2) la mesure de l’évaluation du stade et (3) la durée d’accompagnement du proche. Cette dernière hypothèse semble prometteuse et mérite d’être davantage investiguée. Ensuite, seuls les troubles cognitifs semblent prédire le sentiment de perte ambiguë et le pré-deuil tandis que les troubles comportementaux joueraient un rôle de modérateur. Enfin, conformément à nos attentes, le pré-deuil est un prédicteur du sentiment de charge (Holley & Mast, 2009) tandis que la perte ambiguë modulerait cette relation. En conclusion, ces composantes émotionnelles mériteraient d’être davantage explorées sachant qu’elles jouent un rôle essentiel dans la compréhension du vécu des aidants proches.