Héminégligence : l'exploration de l'espace négligé peut-elle être induite de manière implicite ?

Abstract

La négligence spatiale unilatérale (NSU) est un trouble neuropsychologique se caractérisant par des difficultés à appréhender et s'orienter vers des stimulations de l'environnement présentées du côté opposé à une lésion cérébrale. À ce jour, le syndrome est considéré par une majorité d'auteurs comme reflétant une atteinte des mécanismes d'orientation attentionnelle. L'attention « exogène » désigne les mécanismes de capture automatique, indépendants de tout objectif préalablement établi, tandis que l'attention « endogène » renvoie aux mécanismes volontaires permettant d'orienter l'attention en fonction des buts et attentes (Bartolomeo & Chokron, 2002). Il a été montré que l'orientation exogène est altérée alors que les processus endogènes sont relativement intacts bien que ralentis chez les patients héminégligents (Bartolomeo et al., 2001). Toutefois, ceux-ci ne semblent pas capables de se servir consciemment de ces capacités préservées dans la vie quotidienne. Il existerait une sensibilité aux régularités statistiques de l'environnement chez ces patients permettant d'améliorer leurs performances dans des tâches de recherche visuelle (Geng & Behrmann, 2002 ; Shaqiri & Anderson, 2012). De plus, certains patients héminégligents sont capables d'apprendre « implicitement » la valeur prédictive d'un indiçage spatial afin de compenser leur déficit (Drecogna., 2013). Compte tenu de la relative simplicité des contingences mises en jeu dans ces études, il n'est toutefois pas à exclure que des processus explicites puissent avoir contribué aux performances, même en l'absence de verbalisation. La visée de notre étude est de déterminer si les patients héminégligents peuvent bénéficier de l'apprentissage implicite de régularités spatiales plus complexes afin de compenser leur déficit. Les résultats ont montré que les sujets sains sont capables d'orienter leur attention sur base de cet apprentissage implicite, ce qui n'est en revanche pas le cas chez les patients héminégligents. Cependant, il semblerait que la difficulté ne se situe peut-être pas tant au niveau de l'extraction des régularités mais de leur mobilisation par les processus endogènes afin d'orienter l'attention. Nos résultats suggèrent que la nature implicite ou explicite des processus impliqués dans l'orientation attentionnelle ne doit pas être conçue en tant que dichotomie mais plutôt comme un continuum.