Variation de la richesse et de la composition spécifique de la bryoflore des murs en pierre sèche des Parcs Naturels des Deux Ourthes et Haute-Sûre Forêt d'Anlier

Abstract

Les murs en pierre sèche sont des édifices anthropiques réalisés par la pose de pierres naturelles d’extraction locale sans matière liante. Ces constructions représentent un habitat secondaire pour la faune et la flore, et leur intérêt pour la biodiversité est croissant. Ce travail est réalisé dans le cadre du projet inter-régional « INTERREG VA Grande Région » visant la restauration, la protection et la valorisation de ce patrimoine. L’objectif de ce mémoire est de documenter la biodiversité des murs en pierre sèche, d’évaluer la contribution de ces structures au maintien d’une flore de haute valeur patrimoniale et de déterminer dans quelle mesure cette flore est indicatrice de l’âge du mur. En effet, la colonisation d’un nouvel habitat dans l’environnement implique typiquement différentes vagues de colonisation d’espèces présentant des capacités de dispersion décroissante et un degré de spécialisation écologique croissant. Dans ce contexte, différents modèles écologiques prédisent que la richesse spécifique augmente, atteint un optimum puis décroit avec le temps. Les bryophytes, en raison de leurs caractéristiques écophysiologiques, sont les éléments prépondérants de la richesse floristique des murs en pierre sèche. Ils sont utilisés ici comme modèle biologique afin de (1) décrire la relation entre la richesse spécifique et l’ancienneté des murs en pierre sèche et tester l’hypothèse d’une relation unimodale entre la richesse et l’ancienneté des murs, (2) identifier les séries dynamiques de colonisation et les espèces indicatrices associées aux différents stades de colonisation et (3) évaluer la contribution des murs en pierre sèche à la conservation du patrimoine floristique. L’étude s’est déroulée sur les territoires des Parcs Naturels des Deux Ourthes et Haute-Sûre Forêt d’Anlier. Nous avons identifié les espèces de bryophytes présentes sur 138 portions de murs de 10 mètres, dont 138 portions de faces verticales et 65 de faces horizontales. Les paramètres environnementaux des murs (pH, luminosité, orientation et capacité de rétention en eau) ont été mesurés. Nous avons observé une relation unimodale entre la richesse spécifique et l’ancienneté du mur, montrant qu’il existe un optimum de biodiversité pour les murs d’âge moyen qui correspond au stade pendant lequel les espèces pionnières et les espèces pérennes spécialisées cohabitent. Contrairement à la richesse spécifique qui est dépendante de l’ancienneté des murs, l’âge du mur n’explique la composition floristique que de manière secondaire par rapport aux filtres environnementaux, et en particulier, le pH de la roche. Nos résultats suggèrent que la richesse spécifique s’accumule sur les murs d’âge intermédiaire, sans qu’il soit possible de prédire avec précision quelles espèces vont en particulier participer aux communautés correspondantes. Nous émettons donc l’hypothèse qu’étant donné la diversité bryophytique régionale, il existe un cortège d’espèces capables de coloniser ce type de substrat secondaire et que cette colonisation se fait de manière largement arbitraire par rapport au temps. Nous avons recensé 9 espèces rares à l’échelle de l’Ardenne dont 4 sont rares en Wallonie et 1 est nouvelle pour le district ardennais. Toutes ces espèces ont été trouvées sur des murs d’âge intermédiaire. Le présent travail souligne l’importance de la conservation de ces édifices anthropiques qui abritent des espèces d’intérêt patrimonial et renforce la pertinence des objectifs du projet interrégional.