Densité, habitat et comportement postrepeuplement chez l'anguille européenne (Anguilla anguilla L., 1758) dans le bassin hydrographique de la Meuse belge

Abstract

Depuis les années 1980, les stocks d’anguilles européennes (Anguilla anguilla L., 1758) ont fortement diminué. Aujourd’hui, cette espèce catadrome est classée en danger critique d’extinction selon l’IUCN, à cause de la pression engendrée par les nombreux facteurs d’origine anthropique. En Wallonie, les populations d’anguilles sont en déclin de 97% depuis les 20 dernières années. L’espèce fait partie des espèces protégées dans l’Union Européenne depuis 2007. De nombreux projets ont vu le jour dans le but de conserver A. anguilla dans les cours d’eau européens et d’approfondir la connaissance sur la biologie de cette espèce. Un des projets phares en Belgique, mené par l’Unité de Gestion des Ressources Aquatiques et Aquaculture (UR FOCUS) de l’Université de Liège a fait ses débuts en 2013 et s’est étendue en 2017 avec le déversement des civelles sur plusieurs secteurs des cours d’eau de la Meuse belge. L’objectif global de ce projet est de déterminer les caractéristiques adéquates des habitats exploités par les anguilles afin d’assurer une bonne gestion du repeuplement de l’espèce dans la Meuse. Notre étude s’est focalisée sur la densité, l’utilisation de l’habitat et le comportement des anguilles (4+), 5 ans après le déversement des civelles. La méthode de télémétrie mobile (RFID) consistant à détecter les anguilles précédemment marquées, a été utilisée dans 6 rivières typologiquement différentes (Berwinne, Gueule, Oxhe, Wayai, Winamplanche et Hoëgne), totalisant 13 secteurs analysés. Au total, 100 anguilles ont été détectées dans 9 secteurs parmi lesquels, deux secteurs de la Berwinne à savoir 2-Val Dieu et 10-Moulin Boukai comptent le plus d’individus détectés (n=38 et n=25 respectivement) et possèdent les zones les plus denses parmi tous les secteurs analysés (DMax= 1.4*10-2 indiv.m-2 et DMax= 1.41*10-2 indiv.m-2 respectivement). La mobilité chez les anguilles 4+ était différente entre les rivières étudiées, de même que la dispersion des individus détectés. Nous avons observé cinq profils comportementaux montrant bien la capacité des anguilles à explorer le macro-habitat, en quête de micro-habitats optimaux. Nous avons précisé les caractéristiques des micro-habitats des anguilles 4+. Les anguilles 4+ ont montré une forte tendance à fréquenter (a) les substrats de type bloc (84%), (b) les faciès d’écoulement de type plat courant (72%) et (c) des profondeurs à des intervalles de 31-40cm (IP=5.11). Ces préférences ont varié au fil de la croissance et du stade des anguilles, ce qui soutient l’importance d’entretenir la diversité des habitats dans une rivière donnée. L’étude nous a permis d’élargir la connaissance sur le mode de vie d’A. anguilla à un stade avancé, ces informations seront cruciales afin d’améliorer les méthodes de repeuplement d’A. anguilla dans les cours d’eau et de proposer certaines solutions pour favoriser la conservation de l’espèce.

Since the 1980s, stocks of European eels (Anguilla anguilla L., 1758) have declined sharply. Today, this catadromous species is classified as Critically Endangered according to the IUCN, due to the pressure generated by many anthropogenic factors. In Wallonia, eel populations have declined by 97% over the past 20 years. The species has been part of the protected species in the European Union since 2007. Many projects have been launched with the aim of conserving A. anguilla in European rivers and of deepening our knowledge of the biology of this species. One of the flagship projects in Belgium, led by the Aquatic Resources and Aquaculture Management Unit (UR FOCUS) of the University of Liège began in 2013 and extended in 2017 with the dumping of glass eels on several sectors. of the rivers of the Belgian Meuse. The overall objective of this project is to determine the appropriate characteristics of habitats exploited by eels to ensure good management of the repopulation of the species in the Meuse. Our study focused on the density, habitat use and behaviour of eels (4+), 5 years after the glass eel spill. The mobile telemetry (RFID) method consisting of detecting previously marked eels was used in 6 typically different rivers (Berwinne, Gueule, Oxhe, Wayai, Winamplanche and Hoëgne), totalling 13 sectors analysed. In total, 100 eels were detected in 9 sectors among which, two sectors of Berwinne namely 2-Val Dieu and 10-Moulin Boukai have the most individuals detected (n = 38 and n = 25 respectively) and have the densest areas among all the sectors analysed (DMax = 1.4 * 10-2 indiv.m-2 and DMax = 1.41 * 10-2 indiv.m-2 respectively). Mobility in 4+ eels was different between the rivers studied, as was the dispersal of individuals detected. Five behavioural profiles have been observed, showing the ability of eels to explore the macrohabitat, in search of optimal microhabitats. We have specified the characteristics of the micro-habitats of 4+ eels. Eels 4+ showed a strong tendency to frequent (a) block-type substrates (84%), (b) common flat-type flow facies (72%) and (c) depths at intervals of 31-40cm (IP = 5.11). These preferences have varied over the growth and stage of the eels, which supports the importance of maintaining the diversity of habitats in any given river. The study allowed us to broaden our knowledge of A. anguilla’s lifestyle at an advanced stage, this information will be crucial in order to improve the restocking conditions of A. Anguilla in the rivers and to propose some solutions to promote the conservation of the species.