Impact de l'assèchement du milieu aquatique sur les syndromes comportementaux et la dispersion du triton palmé (Lissotriton helveticus) en phase de reproduction

Abstract

La dispersion est un mécanisme indispensable de la diversité génétique au sein des populations. Elle peut également être une réponse majeure aux changements environnementaux globaux tels que le changement climatique. Plus particulièrement, les épisodes de sécheresse sont plus fréquents et plus sévères que jamais. Les amphibiens et notamment les tritons, se reproduisent dans des milieux aquatiques, parfois temporaires, et ces milieux sont particulièrement impactés par le changement climatique. En effet, lors de sécheresse printanière et estivale, l’hydropériode du site de reproduction peut ne pas être suffisamment longue pour couvrir le développement larvaire, strictement aquatique, des amphibiens. En réponse à l’assèchement de leur habitat, les amphibiens peuvent dès lors choisir de disperser pour rejoindre un autre site plus propice à la reproduction. Cependant, la décision de dispersion ne dépend pas seulement de l’environnement, mais également du phénotype comportemental, morphologique et physiologique des individus. Cette corrélation entre les traits phénotypiques et la dispersion est communément appelée syndrome de dispersion. Le comportement de dispersion peut donc s’exprimer au travers de l’interaction du phénotype de l’individu avec son environnement. Dans ce contexte, cette étude a pour objectifs de déterminer l’impact de l’assèchement sur le comportement du triton palmé (Lissotriton helveticus) et d’évaluer comment le phénotype interagit avec les conditions environnementales lors de la dispersion. Pour ce faire, 64 tritons ont été répartis dans 16 aquariums (2 mâles et 2 femelles par aquarium), avec deux conditions différentes : « permanent » où le niveau d’eau est constant (35 cm) tout le long de l’étude et « assèchement » où le niveau d’eau est progressivement diminué (de 35 cm à 5 cm) chaque semaine. Chaque triton a été observé 18 fois pendant une minute par semaine sur une période de 4 semaines. Les positions et les comportements ont été notés dans une grille comportementale. En début et en fin d’expérience nous avons effectué des mesures phénotypiques au niveau comportemental (exploration et témérité), morphologique (taille du corps et des pattes, condition corporelle) et physiologique (évaporation d’eau). Enfin nous avons réalisé les tests de dispersion dans un système expérimental distinct. Les résultats mettent en évidence un évitement par les mâles du milieu aquatique en condition « assèchement » et une réduction de l’activité générale. Au niveau des traits phénotypiques, nous avons mis en évidence des syndromes comportementaux et morphologiques (corrélations entre différents traits phénotypiques) chez les tritons mâles uniquement. Enfin, les phénotypes des dispersants diffèrent de ceux des résidents selon le traitement d’assèchement et/ou le sexe. Les résultats obtenus démontrent l’importance de prendre en compte tant le phénotype individuel que les conditions environnementales pour évaluer la réponse des tritons à un facteur de stress. Dans cette étude, bien que les réponses des mâles et des femelles soient très différentes, l’assèchement peut impacter grandement le succès reproducteur des tritons. D’autre part, cette étude souligne l’importance de la conservation et de la gestion des points d’eau permanents et temporaires afin d’éviter le déclin et la disparition de nombreuses populations de tritons.