L'industrie alimentaire belge face aux directives européennes « Corporate Sustainability Reporting Directive » et « Corporate Sustainability Due Diligence Directive »

Abstract

Le Pacte vert pour l’Europe, présenté par la Commission européenne en 2019, constitue la réponse de l’Union européenne pour atteindre et respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris, au moyen, notamment, de propositions législatives comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et la proposal for a Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D ou CSDDD). La CSRD a été adoptée le 14 décembre 2022, remplaçant les obligations de reporting de durabilité établies en 2014 par la Non-Financial Reporting Directive (NFRD). Ce reporting de durabilité, adressé à l’ensemble des parties prenantes, permet de créer la confiance avec celles-ci. La CSRD résout les principales faiblesses de la NFRD en étendant le champ d’application à toutes les grandes entreprises et à toutes les entreprises cotées, en demandant l’assurance des informations de durabilité, en émettant des normes obligatoires de reporting et en imposant la publication dans leur rapport de gestion dans un format numérique lisible par machine. L’application de la CSRD se fera en plusieurs temps, avec un premier reporting pour les grandes entreprises cotées pour l’année financière 2024. La Commission européenne a publié le 23 février 2022 la CS3D, ayant pour objectif d’imposer un devoir de vigilance à certaines grandes entreprises. Celles-ci devront prendre des mesures appropriées pour recenser, prévenir et faire cesser les incidences négatives réelles et potentielles sur les droits de l’homme et sur l’environnement découlant non seulement de leurs propres activités mais aussi liées à leurs relations commerciales bien établies dans leur chaîne de valeur. Ces mesures devront être communiquées publiquement. Nous nous concentrons sur l’industrie alimentaire, représentant le secteur industriel le plus grand de Belgique. Il s’agit aussi d’un secteur clé, à fort enjeu environnemental et social. La problématique de cette étude est la question suivante : quels sont les sentiments et les pratiques adoptées par les entreprises de l’industrie alimentaire belge pour se conformer à la CSRD et à la CS3D ? Pour répondre à cette question, une analyse qualitative est menée au moyen d’entretiens semi-directifs avec la Fédération de l’industrie alimentaire belge, l’Union wallonne des entreprises et avec neuf grandes entreprises, cotées ou non, permettant de refléter le ressenti et les pratiques instaurées dans certaines entreprises. Les réponses récoltées montrent que les grandes entreprises de l’industrie alimentaire belge ont connaissance de la CSRD et de la CS3D (dans une moindre mesure), qu’elles ont une opinion positive, mais aussi des craintes (particulièrement concernant le volume de travail et les ressources nécessaires) les concernant et qu’il s’agit d’un travail d’équipe incluant plusieurs départements et coordonné par celui de durabilité. En outre, ces réponses montrent que certaines entreprises prennent diverses mesures pour s’y conformer, qu’il existe des difficultés propres à l’industrie alimentaire pour la CS3D, au contraire de la CSRD où les difficultés sont propres à la taille et à la maturité de l’entreprise, et que les petites et moyennes entreprises (PME) font également face à des difficultés supplémentaires. À partir de ces conclusions, les grandes entreprises de l’industrie alimentaire belge ont une opinion positive, mais aussi des craintes concernant la CSRD et la CS3D et certaines d’entre elles prennent des mesures pour s’y conformer. Des recherches ultérieures devraient permettre d’identifier les sentiments et les pratiques adoptées par les PME de l’industrie alimentaire, les entreprises d’autres secteurs et devraient aussi permettre de faire face à moins d’incertitudes lorsque la CS3D sera finalement adoptée.