Suivi d'une communauté de lémuriens et de 2 Indris (Indri indri) transloqués dans la forêt de Vohimana, Madagascar

Abstract

Dans un contexte de perte de biodiversité où la quasi-totalité des primates présents à Madagascar sont vulnérables ou menacés d’extinction, les efforts de conservation des lémuriens sont plus que jamais nécessaires. La plupart des espèces de lémuriens jouent pour la plupart un rôle d’espèces parapluies pour la biodiversité, et font face à de nombreuses menaces d’origines anthropiques telles que la perte de leur habitat causée par l’exploitation forestière, l’agriculture sur brûlis ou la chasse. La forêt de Vohimana, où la présente étude a pris place, est un habitat fragmenté qui était auparavant soumis à de fortes pressions anthropiques. Elle est depuis 2001 devenue une réserve gérée par l’ONG L’homme et l’environnement. Depuis lors, plusieurs recensements des communautés de lémuriens diurnes présents au sein de la réserve ont été réalisés afin d’évaluer le statut de ces espèces, en 2005, 2011, 2018, 2020, 2021 et dans le cadre de cette étude en 2022 de mars à mai. Les objectifs de l’étude étaient d’évaluer une éventuelle évolution de la diversité des lémuriens diurnes de la réserve au cours du temps et de mesurer leur densité afin d’estimer si les actions menées par l’ONG ont eu un impact positif sur la biodiversité de la réserve. Dans cette même ligne directrice, le suivi spatial et comportemental d’un couple d’indris (Indri indri) transloqués dans la réserve en 2019 a été réalisé jusqu’en mars 2022, afin d’estimer si ce nouvel environnement leur permettait d’établir un domaine vital stable et un budget d’activité spécifique de l’espèce. Les résultats obtenus suggèrent que la diversité de la communauté de lémuriens diurnes reste assez stable au cours du temps, et que les 5 espèces recensées en 2022 sont présentes de façon assez homogène, sans qu’une espèce soit dominante démographiquement parlant, sur toutes les autres. Les densités calculées en 2022, sont proches des densités trouvées dans des forêts continues, à l’exception de celle d’Indri indri qui est de 76,94 individus/km2. Bien que cette valeur extrêmement élevée doit être considérée avec précaution, elle pourrait refléter la conséquence d’une parcelle fragmentée, mais n’est pas en accord avec les résultats obtenus pour les autres espèces. En ce qui concerne les deux Indri indri, le suivi a montré qu’ils se sont établis dans la zone de la réserve où ils ont été transloqués au départ, avec un domaine vital stable. Une diminution de la taille du domaine vital est notée en 2022, mais peut être expliqué par une période restreinte du suivi ne couvrant qu’une partie de l’année. Les données comportementales donnent des résultats contradictoires. L’abaissement du niveau d’occupation dans la strate arborée au cours du temps peut être un indice de leur bonne adaptation à ce milieu, mais la diminution du temps passer à manger et à se détendre, l’augmentation du temps de vigilance, ainsi que l’augmentation du temps passé à chanter peuvent traduire une augmentation du niveau de stress. Cette étude reste préliminaire et présente des limitations méthodologiques nécessitant de nuancer les résultats. Elle ouvre toutefois des perspectives intéressantes pour des études futures systématiques à implémenter dans la zone.