Déterminants spatiaux de l'occupation des mares par Gambusia holbrooki et caractérisation des patrons de coexistence et d'exclusion avec deux espèces d'amphibiens natifs en milieu insulaire karstique

Abstract

Dû à son introduction massive visant au biocontrôle des populations de moustiques, la gambusie est désormais le poisson d’eau douce le plus répandu au monde. Néanmoins, elle impose des pressions menaçant la survie de différents stades et espèces d’amphibiens. Le premier objectif de ce travail est d’identifier les facteurs spatiaux et anthropiques associés aux introductions de Gambusia holbrooki (la gambusie de l’Est). Le deuxième est la comparaison de l’impact de la gambusie sur la présence de deux espèces d’amphibiens natifs de l’île de Krk, Pelophylax ridibundus et Lissotriton vulgaris, ainsi que celle de leurs différents stades de développement. Celle-ci vise à l’examen des sensibilités différentielles de ces deux espèces face à G. holbrooki ainsi que les variables environnementales favorisant leur coexistence. Afin de décrire ces effets, 100 mares ont été inventoriées sur l’île de Krk (Croatie), environnement sujet à l’introduction de G. holbrooki. Sur chaque site, la présence de P. ridibundus et L. vulgaris à différents stades de développement ainsi que celle de G. holbrooki ont été recensées. Les variables d’habitat, de paysage et d’accessibilité humaine pouvant contribuer à la présence d’amphibiens et de gambusie ont été extraites. La gambusie a été identifiée comme associée à des habitats accessibles et fréquentés par l’humain, en particulier à basse altitude. Aucun stade de P. ridibundus n’est significativement impacté par la gambusie. En revanche, L. vulgaris est, à tous les stades, contraint par la gambusie. En particulier, les larves de stade précoce subissent l’impact le plus intense. De plus, les deux espèces d’amphibiens favorisent des habitats végétalisés, P. ridibundus étant associée en plus à des habitats ensoleillés de grande profondeur. Les mares de l’île de Krk sont davantage à risque d’introduction lorsqu’elles sont faciles d’accès et fréquentées par l’humain. De plus, si des cas de cohabitation ont été observés, L. vulgaris a pu être décrit, à tous les stades, comme sensible à la présence de G. holbrooki. Cette coexistence peut être attribuée à la grande profondeur et végétalisation des habitats en question, fournissant des abris. Par ailleurs, des adaptations du comportement reproducteur de L. vulgaris ainsi qu’un décalage phénologique entre cette espèce et G. holbrooki, ont pu également promouvoir leur coexistence. Cette première année d’étude ouvre les portes vers davantage d’inventaires et d’études trophiques afin d’approfondir la connaissance de la répartition de la gambusie dans d’autres contextes anthropiques ainsi que son impact à long terme sur les communautés aquatiques natives et, en particulier, sur les populations de L. vulgaris.