Mémoire

Abstract

A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, les activités humaines ont fortement modifié le paysage de l’Ardenne belge, notamment par la substitution des forêts feuillues en plantations d’épicéas, Picea abies. De nombreuses études démontrent que les peuplements monospécifiques de résineux présentent un cortège floristique pauvre par rapport aux forêts anciennes de feuillus. Face à cette perte de biodiversité, des projets de restauration écologique se mettent en place, comme le projet LIFE Vallées ardennaises. Une des actions du LIFE est la mise à blanc des parcelles résineuses. Toutefois, ce travail n’est pas sans conséquences sur les communautés vivantes dans les sites restaurés. L’objectif de ce mémoire est d’utiliser les bryophytes saxicoles comme des indicateurs de l’évolution des communautés après une mise à blanc de résineux. Plus particulièrement, ce travail vise à tester les hypothèses que (i) la flore des affleurements rocheux sous couvert résineux est plus paucispécifique et présente une composition différente de celle sous feuillus et que (ii) une coupe à blanc conduit dans un premier temps à une perte de la diversité spécifique due aux changements radicaux de conditions microclimatiques et lumineuses. Cette recherche tentera enfin de déterminer le laps de temps nécessaire pour retrouver des communautés de richesse et de composition comparable à celles des communautés sous feuillus. L’étude s’est déroulée dans les forêts de versants des vallées de la Warche et du Bayehon en Wallonie. Vingt-deux sites ont été sélectionnés et classés selon six catégories : massifs forestiers de feuillus, de résineux et des coupes à blanc d’âge allant de moins d’un an à 25 ans. Dans chaque site, dix quadrats de 50 cm sur 50 cm ont fait l’objet d’un inventaire exhaustif de la bryoflore saxicole. Quatre variables environnementales ont été relevées sur le terrain : l’exposition, l’altitude, la pente et le recouvrement vasculaire de l’affleurement rocheux. La luminosité, les nutriments et l’acidité du substrat ont été évalués indirectement par les indices d’Ellenberg. Au total, 81 espèces de bryophytes, dont 22 hépatiques, ont été inventoriées. Neuf espèces rares en Wallonie ont été recensées, majoritairement dans les massifs feuillus. De plus, Cephalozia lunulifolia est une nouvelle observation dans la vallée de la Warche. Différents tests statistiques (ANOVA, ACP, RDA) ont contribué à démontrer que la bryoflore saxicole sous couvert résineux est moins riche et présente une composition différente de celle sous massifs forestiers feuillus. La mise à blanc amène, dans un premier temps, à une perte de la diversité spécifique due aux changements des conditions microclimatiques, où seules les espèces les plus tolérantes résistent. Contrairement aux observations au niveau de la flore des angiospermes, il n'y a pas, au niveau de la bryoflore, l’apparition d’espèces pionnières ni d’envahissement par des espèces exotiques dans les coupes. Au contraire, la flore s’enrichit rapidement après quelques années en espèces saxicoles caractéristiques des milieux plus ouverts. L’impact de la coupe sur la richesse et la composition spécifique en bryophytes dépend fortement de l’exposition. Les coupes exposées au nord conservent un microclimat favorable à la rétention d’une flore caractéristique des milieux rocheux, y compris des espèces rares. Ce travail renforce l’intérêt de réaliser des travaux de restauration et souligne l’importance d’intégrer les bryophytes dans les projets de conservation.