Le succès de nidification du cincle plongeur est-il influencé par la prédation du raton laveur en Wallonie ?

Abstract

Le raton laveur est une espèce invasive préoccupante pour l'Union européenne, dont l'aire de répartition et la taille des populations ont considérablement augmenté en Europe au cours des dernières décennies. Son comportement opportuniste dans l'exploitation des habitats et des ressources alimentaires complique l'évaluation de son impact sur les espèces indigènes sensibles, rendant nécessaires des études approfondies sur les interactions proie-prédateur. Ces dernières années, plusieurs bagueurs ont signalé des prédations de nids de cincle plongeur potentiellement par le raton laveur. Cette alerte, ainsi que la méconnaissance des interactions entre ces deux espèces, ont conduit à cette étude dont les objectifs initiaux étaient d’objectiver cette prédation, à en comprendre les causes, et à évaluer son impact. Pour ce faire, une prospection et un suivi par pièges photographiques de nids de cincles, complétés par quelques nids de bergeronnettes des ruisseaux, ont été réalisés du 8 février au 2 juillet 2024, lors de la période de nidification du cincle plongeur. Au total, 16 nids de cincle et 3 nids de bergeronnette ont été suivis sur le bassin de la Meuse Amont, et 13 nids de cincle et 3 nids de bergeronnette sur le bassin de la Meuse Aval. Parmi les 337 séquences de raton laveur analysées, seules deux tentatives d’accès aux nids ont été observées, sans aucune tentative de prédation enregistrée. Plusieurs facteurs propres à l'écologie du cincle semblent limiter la prédation par le raton laveur : la faible superposition des périodes d'activité des deux espèces, le peu d'excréments de cincles aux abords des nids qui constituent des indices pour le raton laveur et l'accès difficile aux nids surplombant l’eau lorsque la hauteur d'eau dépasse 20 cm. Par ailleurs, la fréquence de passage du raton laveur semble être plus élevé lors de la 2iem période de nidification du cincle, lorsque le nombre de nids actifs est plus faible. Cependant, l’analyse des images met clairement en évidence que le raton laveur est l’un des principaux mammifères utilisant activement les cours d’eau pour se déplacer et pour cette raison, il reste un candidat potentiel comme prédateurs des oiseaux nichant au bord des cours d’eau, en particulier si l’accessibilité est facilitée par une faible hauteur d’eau. Nous ne pouvons exclure cette hypothèse car, nos observations se sont déroulées durant une période pendant laquelle les hauteurs d’eau étaient inhabituellement élevées comparées à celles des autres années. Il est aussi important de noter que l'ensemble des sites de nidification surveillés se trouve sous des ouvrages d'art. La prédation sur les nids naturels, potentiellement plus exposés à des rencontres fortuites avec le raton laveur, n'a pas été explorée. Cela mériterait une attention particulière. Enfin, la prédation par des espèces indigènes existe. Ainsi, nous avons observé sur nos images deux tentatives d'accès au nid par un mustélidé et des tentatives répétées de prédation par un geai des chênes. Cette étude ne permet donc pas de prouver que raton laveur a un impact sur le succès de nidification du cincle plongeur en Wallonie. En ce qui concerne la gestion du cincle plongeur, il apparaît que les nichoirs ne semblent pas être des pièges écologiques, et les mesures de gestion peuvent pour l'instant se limiter à une mise en place optimale de ceux-ci.