Exposition des poissons du lagon aux MPs dans la baie d'Ōpūnohu, Moorea, Polynésie française

Abstract

Les océans souffrent actuellement d’une pression anthropique croissante et plus particulièrement de la pollution plastique. Depuis les années 1950, la production de plastiques a considérablement augmenté, entraînant la dispersion d’une quantité substantielle de déchets plastiques dans les océans. Ceux-ci se retrouvent piégés notamment par les courants marins au niveau des gyres océaniques. Cette pollution est ubiquiste, touchant même les zones les plus reculées du Pacifique Sud. Les plastiques vont se fragmenter en microplastiques (MPs) (< 5 mm en taille) à la suite de divers processus. Ils pourront alors être plus facilement ingérés par différents organismes tels que les poissons et être transférés dans la chaîne trophique causant beaucoup de tort. Par conséquent, il est essentiel d’évaluer la contamination des poissons par les MPs, en particulier dans les îles du Pacifique Sud, grandes consommatrices de produits de la mer, où peu de données sont disponibles sur cette contamination. Plusieurs espèces de poissons provenant d’un lagon de Moorea ont été récoltées, disséquées et leurs tubes digestifs lyophilisés pour être analysés. De plus, différents protocoles d’extraction de MPs permettant de digérer la matière organique tout en préservant les MPs ont été testés et adaptés à ces tubes digestifs lyophilisés de poissons afin que ces échantillons soient par la suite analysés en microscopie et spectroscopie Raman. Un des buts étant d’évaluer la présence ou l’absence de MPs dans ces poissons ainsi que leur composition chimique. Le protocole de digestion basé sur une solution alcaline de KOH 20 % s’est révélé le plus efficace pour remplir cet objectif. Il a permis la récupération de MPs et n’a altéré ni l’aspect physique ni la signature spectrale des MPs, excepté la surface du polyéthylène téréphtalate (PET). Une fois le protocole final optimisé, deux espèces de poissons associées aux coraux avec des régimes alimentaires différents (planctonivore et omnivore), Chromis viridis et Pomacentrus pavo ont été étudiées afin d’analyser les facteurs influençant l’ingestion de MPs. Sur les 9 poissons examinés, un total de 15 MPs ont été retrouvés chez 66 % des poissons, avec une moyenne de 1,7 MPs par individu. Il s’agissait principalement de fibres (60 %) et de fragments (40 %) de couleur transparente et noire, avec des tailles variant de 0,01 mm à 1,26 mm. Par ailleurs, le PET était le polymère le plus répandu (40 %), suivi du polystyrène et du polypropylène. Ces résultats soulignent la présence de MPs même dans les environnements les plus isolés comme l’île de Moorea. Des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer les sources locales et régionales de pollution plastique ainsi que l’influence du comportement alimentaire sur l’ingestion de MPs par les poissons.