Le syndrome du Brown-out : expériences vécues et pistes d'intervention co-construites par les travailleurs

Abstract

Ce mémoire s’intéresse au brown-out, une forme contemporaine de souffrance au travail caractérisée par une perte progressive de sens, de motivation et d’engagement, en l’absence de surcharge ou d’ennui manifeste. Encore peu étudié dans la littérature académique, ce phénomène fait toutefois une entrée remarquée dans le débat public (Coutrot, 2023), en révélant une dissonance croissante entre les valeurs personnelles des travailleurs et les logiques institutionnelles de leur environnement professionnel, dans un contexte de transformation accélérée du monde du travail. L’objectif de cette recherche est double : comprendre les expériences subjectives associées au brown-out et co-construire, avec les travailleurs concernés, des pistes d’intervention susceptibles de prévenir ou d’atténuer cette dynamique. Pour cela, une approche qualitative a été adoptée, reposant sur treize entretiens semi-directifs menés auprès de professionnels issus de secteurs variés. L’analyse des données s’est appuyée sur une démarche d’analyse thématique réflexive, selon l’approche de Braun et Clarke (2006, 2019), qui reconnaît le rôle actif du chercheur dans la construction du sens, en s’ancrant dans une posture interprétative et critique. Les résultats mettent en évidence plusieurs éléments structurants : la surcharge de tâches dénuées de sens, la dissonance éthique entre valeurs individuelles et décisions organisationnelles, le manque de reconnaissance, le décalage entre attentes initiales et réalité du poste, ainsi qu’un sentiment d’inutilité ou d’absurdité des missions confiées. Ces expériences traduisent un profond désalignement entre les individus et les finalités de leur travail. En réponse, des pistes d’action ont émergé à trois niveaux : sur le plan individuel, les travailleurs évoquent le recentrage sur leurs valeurs, la mise en œuvre de stratégies de régulation ou encore la reconversion professionnelle ; au niveau organisationnel, ils soulignent la nécessité d’un meilleur alignement entre discours et pratiques managériales, d’une revalorisation du travail réel et d’un aménagement des tâches ; enfin, sur le plan collectif, ils appellent à la création d’espaces de dialogue sur le travail, à la reconnaissance de la souffrance éthique partagée et à une participation accrue des équipes à la redéfinition du sens et des finalités du travail. Ainsi, ce mémoire met en lumière l’importance de replacer le sens au cœur des environnements professionnels, en articulant les dimensions subjectives, organisationnelles et collectives, dans une perspective de promotion de la santé mentale au travail et de transformation sociale durable.