Intégration de la génétique des populations et de la modélisation de niche écologique à la conservation de l'emblématique laurisylve des Îles Canaries

Abstract

Les îles océaniques contiennent des écosystèmes avec les plus hauts taux d’endémicité, mais également parmi les plus menacés à l’échelle de la biosphère, en faisant des hotspots de biodiversité. Dans les iles Canaries, la laurisylve, qui est le dernier témoin des forêts tropicales couvrant l’Europe au Tertiaire, a été profondément modifiée et fait l'objet d'importants programmes de restauration. La mise en œuvre de ces derniers soulève toutefois une série de questions concernant le choix des populations sources utilisées et l'identification des zones cibles les plus appropriées. Ce mémoire vise à (i) déterminer dans quelle mesure la variation génétique des espèces de laurisylve est structurée spatialement et si on peut voir dans les patterns de structure génétique actuels une signature d’épisodes historiques de réintroduction; (ii) mesurer et modéliser l’intensité de l’effet microclimatique dans la laurisylve de Ténérife et (iii) identifier comment les espèces répondent à cet effet microclimatique et quelles zones constituent potentiellement des refuges microclimatiques. 151 individus de quatre espèces de spermatophytes endémiques de la laurisylve (Apollonias barbujana, Canarina canariensis, Luzula canariensis, Persea indica) ont été génotypés par séquençage RAD pour permettre une analyse de la structure génétique de leurs populations. 46 sondes ont été déployées dans la laurisylve de Ténérife pour mesurer la variation horaires des températures pendant 6 mois. L’effet microclimatique a été modélisé à 25m de résolution en utilisant des variables de topographie et de télédétection comme prédicteurs. Des modèles de distribution d’espèces ont été mis en œuvre afin de cartographier les aires présentant les conditions de niche les plus favorables aux espèces. Une structuration inter-îles et parfois intra-île de la variation génétique a été mise en évidence. La présence de certains individus fortement admixés pointe cependant la mise en contact artificielle de populations allopatriques. Pour éviter la perte de diversité génétique locale, les efforts de conservation devraient intégrer en amont une connaissance détaillée, à laquelle le présent travail contribue, de la structure génétique des espèces cibles. L’effet microclimatique varie considérablement, depuis un effet tampon jusqu’à un effet d’amplification du macroclimat, dans les laurisylves de Ténérife. Cette variation a été significativement prédite par des variables télémétriques, permettant de générer une carte de l’effet microclimatique à 25m de résolution. L’effet microclimatique intervient dans les modèles de distribution d’espèces avec une importance qui varie entre espèces. Ainsi, il est possible d’identifier, avec une très fine résolution spatiale, les zones les plus favorables à la croissance des espèces de manière à informer de futurs programmes de conservation.