Evolution des traits ontogénétiques chez les poissons des récifs coralliens

Abstract

Les poissons associés aux récifs coralliens ont un cycle de vie complexe divisé en deux parties majeures : (1) un stade larvaire pélagique océanique et (2) des stades juvéniles et adultes benthiques récifaux. La majorité des études se sont concentrées sur la diversité des caractères adultes de ces poissons pour essayer de comprendre leur diversification. Or, les caractères associés aux jeunes stades de vie sont également soumis à la sélection naturelle et, au cours de la présente étude, j’ai pour objectif de tester l’hypothèse que les caractères tels que la durée de vie larvaire (PLD) et la taille à la colonisation n’ont pas évolué de manière aléatoire. La PLD est un trait ontogénique larvaire qui varie entre différentes familles de poissons coralliens. Des tests de signal phylogénétique ont permis de révéler un certain conservatisme de la PLD au sein de trois familles : les Labridae, les Pomacanthidae et les Pomacentridae. L’utilisation de diverses techniques morphométriques a permis de quantifier la variance de forme du corps entre le stade larvaire à la colonisation et le stade adulte chez 22 espèces du récif de Moorea (Polynésie française). Les résultats obtenus confirment l’hypothèse selon laquelle une diversification des formes du corps survient après la colonisation, en lien avec une diversification des niches écologiques et des régimes alimentaires chez les stades adultes. Ils corroborent l’idée que, lors de la colonisation, les juvéniles doivent s’adapter à un environnement structurellement plus complexe en imposant une variation de leurs capacités natatoires et de leur comportement alimentaire. Deux relations entre traits ontogénétiques et variations morphologiques ont pu être confirmées : une longue PLD est associée à (a) une plus grande taille à la colonisation et (b) une plus petite variation de forme entre le stade larvaire et le stade adulte. Ce travail met en évidence que la diversité de certains traits larvaires tels que la PLD est associée à la phylogénie et à d’autres caractéristiques ontogénétiques, permettant une meilleure compréhension de la diversification des poissons de récifs coralliens. Un plus large échantillonnage permettra d’affiner nos hypothèses et de consolider nos résultats.