Occupation du temps et de l'espace d'une population de jeunes anguilles européennes issues d'une translocation

Abstract

Nos cours d’eau présentent une faune piscicole variée au sein de laquelle on retrouve l’anguille européenne, Anguilla anguilla, espèce aux nombreuses particularités. Son cycle de vie est caractérisé par une unique migration de reproduction. Au cours de sa vie, l’anguille passe par plusieurs stades, dont le stade de l’anguille jaune, individu présent dans nos cours d’eau, et celui de l’anguille argentée, stade reproducteur de l’espèce. Depuis les années 1940, la population de l’anguille européenne est en déclin. En 2007, afin d’endiguer la diminution dramatique des stocks d’anguilles, l’Union européenne a mis en place un règlement qui oblige les pays à prendre des mesures qui permettront de restaurer les stocks d’anguilles. Le but final de ce règlement étant de permettre l’échappement vers la mer de 40 % de la biomasse d’anguilles argentées estimée s’il n’y avait aucune perturbation anthropique. Parmi ces mesures, on retrouve les repeuplements qui consistent à introduire dans des masses d’eaux continentales de jeunes anguilles (civelles, anguillettes ou jeunes anguilles jaunes). Le 22 mai 2013, le LDPH de l’Université de Liège a effectué des opérations de repeuplements avec des civelles dans trois cours d’eau du bassin hydrographique de la Meuse : le Mosbeux, l’Oxhe et la Burdinale. Par la suite, le Mosbeux a été retenu pour effectuer le suivi à long terme de ces anguilles. La présente étude s’inscrit dans ce suivi qui vise à analyser le comportement et l’adaptation de jeunes stades de l’anguille introduits dans un milieu auquel ils ne sont naturellement pas confrontés. Cette analyse a été réalisée grâce à la télémétrie mobile RFID, méthode jamais utilisée auparavant sur des anguilles issues de repeuplement. Les anguilles étudiées ont été marquées entre décembre 2014 et octobre 2016, grâce à des transpondeurs RFID, puis monitorées par la télémétrie mobile RFID jusqu’en mai 2017. Il est à noter qu’un tronçon de la Vesdre, rivière dans laquelle le Mosbeux se jette, a aussi été analysé. Cette étude a permis de mettre en évidence que les anguilles exploitent la totalité de la zone d’étude et que les obstacles influencent leur dispersion, notamment vers l’amont. Les anguilles utilisent préférentiellement les rives et vivent dans les microhabitats présentant de nombreux trous (rochers, racines, sous-berges). Il est apparu que la température joue un rôle important dans l’activité des anguilles. En outre, la télémétrie mobile fournit un suivi précis des individus et permet l’acquisition de connaissances quant à leur comportement d’exploitation du cours d’eau. Cette méthodologie est donc adéquate pour suivre des anguilles dans des complexes hydrographiques formés de petits cours d’eau. L’ajout de plusieurs antennes de télémétrie fixe compléterait efficacement ce dispositif de suivi. Nous concluons que les rivières situées en amont des bassins hydrographiques sont des zones adaptées pour les repeuplements en civelles et en anguillettes. Cependant, nous soulignons l’intérêt d’effectuer au préalable une prospection efficace des cours d’eau pour s’assurer que ceux-ci fournissent suffisamment de nourriture et d’habitats pour tous les stades de l’anguille.