Analyse du grand récit de l'Etat Islamique : De l'occupation de l'espace médiatique à la "bataille pour les coeurs et les esprits"

Abstract

Les multiples attaques terroristes qui ont frappé l’Europe ces dernières années, la multiplication du nombre de jeunes européens recrutés par l’Etat Islamique (EI) et la propagation rapide des contenus provenant de l’organisation ont semé la confusion dans les rangs des décideurs politiques et de la société civile. Très vite, les pays européens ont annoncé leurs plans de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent. En plus des mesures sécuritaires, comme le renforcement des dispositifs de sécurité, la création d’organismes d’analyse de la menace, le développement de la coopération en matière de renseignement avec d’autres pays, ces plans prévoient également un volet prévention. Ce volet vise à traiter les causes qui mènent à l’extrémisme violent, les identifier et proposer des initiatives adéquates pour y répondre. Ainsi, cette dernière décennie a connu la multiplication des études et des recherches sur les causes et les origines de l’extrémisme violent et sur les moyens les plus efficaces de le prévenir. Un des moyens les plus mis en avant dans les conférences et les rapports de recherches, est le contre-discours. En effet, plusieurs auteurs appellent à la construction d’un contre-discours (aussi appelé contre-récit) qui tiendrait tête au récit des groupes extrémistes. Il faut noter que cette tendance ne fait pas l’unanimité puisque plusieurs critiques soulignent son caractère réactif, qui pour eux est contre-productif dans le processus de lutte contre l’extrémisme violent. Pour mieux répondre à ce problème, ces derniers préconisent la construction d’un récit alternatif. Autrement dit, produire un récit qui ne serait pas la négation, l’opposé, du récit de l’EI mais un récit qui véhicule une vision forte et claire de la société européenne et de ce qu’elle promet à ces citoyens, de façon à renforcer le sentiment d’appartenance des individus à risque à leur société mère, l’Europe. A ce jour, on peut recenser un bon nombre d’initiatives et de campagnes d’information et de sensibilisation qui tentent de promouvoir un récit alternatif. Cependant, il n’existe aucune réelle évaluation des impacts de ces initiatives. Qu’elles soient en ligne (vidéos, site web, hashtags, etc) ou hors ligne (manifestations, formations, pièces théâtrales, films), il est très difficile de mesurer leur l’efficacité et leur impact sur les groupes dits à risque. Deux raisons peuvent expliquer cette absence d’évaluation : d’abord le caractère récent de ses initiatives et des approches utilisées, et ensuite l’absence des compétences et ressources nécessaires pour l’évaluation exacte de ces efforts. Une chose est certaine, alors que les acteurs européens de la prévention de l’extrémisme violent essayent et testent différentes approches pour élaborer ces récits alternatifs, la propagande de l’EI ne cesse de se propager dans nos sociétés. A partir de ce constat, une série de questions s’imposent : Qu’est ce qui fait la puissance du grand récit de l’EI ? Quels sont les éléments de ce récit qui séduisent les jeunes européens ? Que cherche l’EI à influencer par le biais de son grand récit ? Et finalement quelles seraient les réponses à ce grand récit extrémiste ?