Analyse diachronique des communautés de bryophytes épiphytes en Wallonie et leur réponse aux polluants atmosphériques

Abstract

La pollution atmosphérique est devenue, à l’issue d’épisodes catastrophiques comme le grand smog de Londres de 1952 ou le dépérissement forestier dans les années 1980-1990, l’un des sujets de préoccupation environnementale majeurs. Dans ce contexte, les bryophytes épiphytes, dont les caractéristiques biologiques en font des bioindicateurs de choix, ont été le modèle de ce travail au niveau Wallon visant à aborder les questions suivantes : 1. Dans quelle mesure la variation de composition spécifique des communautés contemporaines de bryophytes épiphytes est-elle déterminée par des variations spatiales de qualité d’air (Q1) ? 2. Peut-on dissocier l’impact des concentrations en polluants de celui de la variation climatique entre sites (Q2) ? 3. Peut-on dissocier l’impact du réchauffement climatique de la variation historique des concentrations en polluants sur la composition des communautés de bryophytes épiphytes depuis les années 1980 (Q3) ? Afin de répondre à ces questions, la flore épiphyte des arbres autour de 23 stations de qualité d’air et dans 21 carrés de l’Institut Floristique Belgo-Luxembourgeois contenant ces stations a été inventoriée. Nous disposions d’un jeu de données comprenant des inventaires floristiques, des concentrations en polluants (NO2, SO2, PM10, PM2.5 et O3) et des facteurs climatiques (température et humidité relative) de 1980 à nos jours. Les résultats des ordinations (ACP et CCA) basés sur les datasets à l’échelle des stations de mesure et des carrés au temps présent ont attesté d’une forte corrélation entre les gradients floristiques et les concentrations en polluants, en réponse à la première question (Q1). Par ailleurs, les tests de Mantel et de Mantel partiels ont démontré que les variations floristiques sont bien déterminées par les variations des concentrations en polluants indépendamment des variations de conditions climatiques entre les sites au temps présent, en réponse à la deuxième question (Q2). Concernant la troisième question (Q3) relative à l’impact du réchauffement climatique et de la diminution drastique des concentrations en SO2 au cours des dernières décennies, une régression linéaire multiple des distances euclidiennes de compositions floristiques en fonction des distances de concentrations en polluants et des distances de conditions climatiques entre les mêmes sites à différentes époques permet pour la première fois de dissocier ces deux facteurs dont le caractère concomitant avait jusqu’à présent empêché d’évaluer l’importance respective. Il apparait dès lors que les bryophytes épiphytes sont un organisme de choix en vue de mettre en place un système de suivi spatio-temporel de la qualité de l’air en Wallonie.