Liberté d'expression et haine : les limites aux limites

Abstract

La liberté d’expression est à la fois une condition essentielle à l’émergence de la démocratie et un formidable levier pour la détruire . Dans les mains de ceux qui distillent la haine particulièrement, elle peut être un appui dangereux . Penser les limites devant encadrer cette liberté semble donc être un exercice salutaire pour le maintien d’un régime démocratique. À tout le moins, c’est une nécessité pour garantir la paix sociale entre des individus appartenant à des groupes différents .

La tâche est complexe. Un pouvoir libertaire ou pusillanime risque de se laisser remplacer par une dictature, tandis qu’un pouvoir liberticide risque de devenir lui-même totalitaire. Entre ces deux solutions extrêmes, il y a des controverses sur la détermination d’un juste milieu. La présente contribution vise entre autres à déterminer comment la Belgique a tenté de s’en rapprocher, s’inscrivant à cet égard dans le cadre d’une démarche largement internationale.

Nous consacrerons notre exposé à l’examen des limitations que peut apporter l’État à la liberté d’expression dans le cas de discours haineux, c’est-à-dire perçus comme anti-démocratiques ; tels les discours racistes, homophobes, antisémites, plus largement discriminatoires ou négationnistes.

Afin d’obtenir un cadre juridique complet, il s’agira de sélectionner les textes pertinents s’appliquant aux limitations étatiques, au niveau international et constitutionnel. Une analyse impartiale de ces textes se fera, dans le même temps, en considérant la doctrine et la jurisprudence qui s’y rapportent. Une attention particulière sera octroyée aux articles 10, 15 et 17 de la Convention européenne des Droit de l’Homme en raison de la place prépotente de la convention dans le droit des États qui y sont parties . De cette analyse, nous déduirons une définition juridique du discours haineux. En effet, seules les limitations applicables à cette forme de discours sont susceptibles de se voir imposer le cadre normatif que l’on aura décrit. Ce n’est qu’ensuite que nous apporterons un regard critique sur l’ensemble.

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Cour eur. dr. h., arrêt Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49 ; voir aussi : GKONTULA Z. La liberté d’expression et le discours polémique et haineux dans la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, SZIMCZAK D. (dir.) Université Montesquieu Bordeaux, 2016 disponible sur https://pergamos.lib.uoa.gr/uoa/dl/frontend/file/lib/default/data/1449459/theFile Une partie de la conquête du pouvoir par Hitler s’est faite dans le cadre formel de la démocratie, voir à ce titre BAECHLER C., L'Allemagne de Weimar 1919-1933, Paris, Fayard, 2007, p. 345 Comm. eur. dr. h., Kühnen c. Allemagne § 30 TRIAILLE L., La détestable liberté d’expression de Fouad Belkacem devant les Hautes juridictions – Deux constructions jurisprudentielles pour la lui refuser La détestable liberté d’expression de Fouad Belkacem devant les Hautes juridictions – Deux constructions jurisprudentielles pour la lui refuser, obs. sous Cour eur. dr. h., décision Belkacem c. Belgique, 27 juin 2017 et sous Cass. (b.), 29 octobre 2013, Rev. trim. dr. h. (115/2018) p. 744 MICHIELS O., La réception des arrêts Salduz et Dayanan de la Cour européenne des droits de l’homme par la Cour de cassation, J.L.M.B. 2010/27 pp 1280 et 1281 ; DE ARANJO C., « justice constitutionnelle et justices européennes des droits de l'homme - Étude comparée : France-Allemagne », Bruxelles, Bruylant, 2009 p. 367 ; DELPEREE F., BOMBOIS T., MOLINE F., DOPAGNE F., DUPONT N., Le juge constitutionnel et la proportionnalité - Juge constitutionnel et droit pénal. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, Belgique, 25-2009, 2010 p. 564 ; DAGRON S., VOLMERANGE X., GREWE C., . In: Annuaire international de justice constitutionnelle,