L'anorexie mentale et le "corps-pour-autrui" : une approche phénoménologique des expériences corporelles associées à ce trouble du comportement alimentaire

Abstract

Introduction. D’un point de vue phénoménologique, les patientes souffrant d’anorexie mentale semblent être confrontées à des perturbations fondamentales au niveau de l’incarnation (embodiment) et de l’intersubjectivité. Par conséquent, ce mémoire évalue les expériences corporelles subjectives de participantes anorexiques à la lumière du concept du corps-pour-autrui de Sartre ainsi que des hypothèses éthologiques d’Albert Demaret concernant l’altruisme. Hypothèses. Deux hypothèses principales, intrinsèquement liées, structurent cette recherche. La première envisage des difficultés concernant l’intersubjectivité, les patientes anorexiques se définissant davantage à travers le regard des autres et tendant à moins ressentir leur corps de manière sensorielle (Leib). La deuxième hypothèse suggère que les anorexiques font preuve de plus d’altruisme, qu’il soit alimentaire ou général. Cet altruisme constituerait un élément central du syndrome anorexique. Méthodes. Pour tester les hypothèses, l’EDI-II (Eating Disorder Inventory), la traduction française du questionnaire IDEA (IDentity and EAting disorder) mesurant le concept du corps-pour-autrui et des questions complémentaires abordant le concept d’altruisme sont administrées à 67 patientes anorexiques francophones et 246 participantes contrôles ne présentant pas de trouble du comportement alimentaire (TCA). De plus, deux analyses de cas sont également réalisées pour approfondir les hypothèses de recherche. Résultats. Les principaux résultats statistiques confirment les deux hypothèses : les patientes anorexiques obtiennent des scores aux questionnaires significativement supérieurs à ceux des participantes contrôles. Quant aux analyses de cas, elles permettent de mieux comprendre la manière d’être-au-monde de deux personnes anorexiques. Conclusion. Il semble que les patientes anorexiques rencontrent bien des difficultés au niveau de l’incarnation et de l’intersubjectivité. De plus, malgré le fait que les questions relatives à l’altruisme doivent être davantage confirmées et investiguées, les patientes anorexiques se révéleraient plus altruistes que les participantes sans TCA.