Trajectoire écologique de peuplements forestiers marginaux à la limite nord de leur aire de répartition au Bas-Saint-Laurent (Canada)

Abstract

Les effets des changements climatiques actuels sur la distribution et l’abondance des espèces sont matière à discussion. En particulier pour les populations marginales, qui se situent à leurs limites de répartition, les changements climatiques actuels pourraient mener à leur extinction, maintien ou dispersion. Dans le Bas-Saint-Laurent, il existe plusieurs espèces d’arbres dont la limite nord de leur répartition s’étend dans la région. Ces populations sont isolées, rares et la répartition de leur espèce résulte de la dynamique historique dans le contexte des changements climatiques du Quaternaire. Ces populations marginales représentent des avant-postes de colonisation de leur espèce. L’étude de leur dynamique passée en comparaison avec leur état actuel permet d’évaluer si ces peuplements à haute valeur de conservation sont en déclin, en expansion ou restent relativement stables. L’étude se concentre sur trois espèces forestières tempérées dont les populations marginales sont présentes dans la région : le frêne noir (Fraxinus nigra Marsh.), le hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia Ehrn.) et le chêne rouge d’Amérique (Quercus rubra L.). La composition forestière des peuplements a été caractérisée par l’abondance des tiges d’arbres, leur état, leur distribution dans des classes de diamètre, l’abondance de leur régénération et l’inventaire végétal des différents sites. La composition forestière passée a été caractérisée grâce au charbon de bois de l’horizon minéral qui a été extrait du sol, traité et identifié. Des contacts avec des organismes de conservation ont également été établis afin d’évaluer la valeur de conservation de ces peuplements. Les analyses ont permis d’établir que les 2 sites contenant le frêne noir sont dominés par celui-ci et que les peuplements sont relativement stables. Le site contenant le hêtre est en déclin, malgré sa présence dans le registre fossile. Le site contenant le chêne forme un peuplement stable dont la présence est également confirmée dans le registre fossile. La composition forestière passée des 4 sites montre une plus grande proportion de conifères que dans la composition actuelle, démontrant un remplacement des forêts de conifères par les feuillus sur ces sites. Enfin, les populations marginales ne sont pas une priorité de conservation pour les divers organismes de conservation mais pourraient être intégrées dans des mesures de conservation existantes (couloirs migratoires, revégétalisation) dans le cas où d’autres peuplements marginaux sont en déclin. Des études localisées sur la ligne de front de colonisation permettraient de mieux évaluer cette nécessité de conservation.