Estimation de l'effectif de la population et de la surface d'habitats favorables à la vipère péliade (Vipera berus) dans les Hautes Fagnes par application d'un protocole de capture-marquage-recapture

Abstract

La vipère péliade (Vipera berus) est l’espèce de serpent terrestre ayant la répartition mondiale la plus large. Son aire de répartition s’étend de l’ouest de l’Europe jusqu’à l’extrême est de la Russie, sur l’île Sakhaline. Cependant, malgré cette aire de répartition très étendue, les populations de vipères péliades sont en très net déclin partout dans le monde à cause de la destruction et la fragmentation de l’habitat de l’espèce et des activités humaines en général. En Wallonie, la vipère péliade est considérée comme une espèce en danger critique d’extinction avec des effectifs de populations ne dépassant pas les quelques dizaines d’individus. Les populations étant de plus en plus isolées, l’espèce est aujourd’hui devenue un enjeu majeur de conservation en Wallonie au vu des nombreux biotopes qu’elle occupe. La récente découverte, en 2007, d’une population probablement introduite de vipères péliades dans les Hautes-Fagnes belges offre l’opportunité unique d’étudier la répartition et la dynamique encore peu connue d’une population se distinguant des autres populations indigènes de Wallonie par sa dynamique d’expansion et ses effectifs. En effet, cette population, confirmée en expansion, serait dans les plus grandes et les plus denses d’Europe. L’objectif de ce travail est donc d’estimer les effectifs et les densités de la population des Hautes-Fagnes du nord-est via l’application d’un protocole de Capture-Marquage-Recapture (CMR). Ainsi, des prospections de CMR ont été réalisées dans une période comprise entre le 29 mars et le 20 juillet 2021 dans 6 stations réparties dans la réserve naturelle des Hautes-Fagnes du nord-est. Ces stations ont été délimitées en fonction des contraintes du département de la Nature et des Forêts (DNF) du service public de Wallonie (SPW). Les données récoltées par CMR ont ensuite permis d’estimer les effectifs de populations dans les différentes stations à l’aide du programme CAPTURE du logiciel Mark. Lors des calculs des estimations, deux jeux de données ont été utilisées : celui de tous les adultes et celui des mâles adultes uniquement. Au final, les résultats ont montré des effectifs estimés entre 18 et 72 individus en considérant la population comme close. Un traitement SIG a également été appliqué afin de calculer la surface d’habitats favorables dans la zone d’étude. Ce protocole a ainsi mis en évidence une surface de 458 hectares de végétation favorable à la vipère péliade dans la zone noyau des Hautes-Fagnes et plus de 4800 hectares dans l’ensemble de la réserve. Cette valeur, couplée aux données récoltées par CMR, a permis de calculer une fourchette de densité moyenne dans la réserve des Hautes-Fagnes du nord-est située entre 6 et 12 individus par hectare. La densité moyenne a ensuite permis d’estimer la taille totale de la population et il s’en dégage la présence d’environ 4200 individus dans les Hautes-Fagnes. L’analyse des résultats obtenus confirme l’étendue des effectifs de la population des HautesFagnes. Les observations ont également montré une grande diversité phénotypique. La vipère péliade se porte donc très bien dans les Hautes-Fagnes et la population présente sur la réserve possède une grande valeur biologique. L’intérêt d’un programme de monitoring dans la zone est donc non négligeable étant donné le statut de l’espèce en Wallonie et ce travail s’inscrit dans cette initiative.

The European adder is the most widespread terrestrial snake species in the world. It can be found all across northern Europe up until the far east of Russia on the Sakhaline island. Despite this extremely wide range, adder populations are rapidly declining all over the world because of habitat destruction and fragmentation and human activities in general. In Wallonia, this small viper is considered a critically endangered species with population numbers rarely exceeding thirty individuals. Nowadays, populations are getting more and more isolated and the species has become a serious conservation concern in southern Belgium because of the various biotopes it is living in. The recent discovery, in 2007, of a likely introduced population of adders in the Belgian HautesFagnes offers the unique opportunity of studying the lesser known dynamic of a really different population from indigenous ones in Wallonia because of its expansion dynamic. Indeed, this population, which has been confirmed growing, might be considered one of the largest and most dense in Europe. The goal of this study is therefore to estimate the population numbers and densities in the north-east of the Hautes-Fagnes by utilizing the Capture-Mark-Recapture (CMR) method. Thus, CMR sessions were conducted between the 29th of March and the 20th of July 2021 in 6 areas spread across the natural reserve of Hautes-Fagnes. These areas were demarcated by taking into account restrictions from the nature and forests department (DNF) of the public services of Wallonia (SPW). The data were collected via CMR and were then used to estimate population numbers in the different areas using the CAPTURE program from the Mark software. During this process, two datasets were used: one with all the adult vipers and one with the adult males only. The results showed that population numbers ranged from 18 to 72 in the different areas by considering the population as closed. A GIS (Geographic Information System) protocol has also been used to calculate the favorable surface area in the study zone. This protocol thereby showed that a total surface area of 458 hectares of favorable vegetation is usable by Vipera berus in the core of Hautes-Fagnes currently occupied by adders and more than 4800 hectares in the whole natural reserve. This value, coupled with data collected via CMR, have enabled to calculate a density range in the north-east Hautes-Fagnes which is between 6 and 12 individuals per hectare. With this density value, the size of the population has been estimated resulting in the presence of about 4200 individuals in the Hautes-Fagnes. The data analyses from the results confirmed that population numbers are significantly high in the Hautes-Fagnes. Observations showed a certain phenotypic diversity which is an indicator of a wide gene pool. The European adder is thus thriving in the Hautes-Fagnes and the population occupying the whole natural reserve carries a great biological value. The interest of a monitoring program represents a major conservation issue given the status of the species in Wallonia. This work has thus been conducted following this initiative.