Si je l'avais vu, je m'en souviendrais : Etude de l'émergence des habiletés métacognitives chez l'enfant

Abstract

Chaque jour, nous réalisons des milliers d’activités cognitives. Pour réguler ces activités et nous assurer qu'elles sont menées correctement, des processus de monitoring et de contrôle sont mis en place. C’est ce qu’on appelle la métacognition. Largement démontrée chez l'adulte et l'enfant d'âge scolaire, la présence d’habiletés métacognitives a souvent été rejetée chez les enfants en âge préscolaire en raison de leur faible capacité à rapporter leurs états mentaux verbalement. Toutefois, des études récentes (Geurten & Bastin, 2018) ont pu montrer la présence d'une métacognition non-verbale durant la petite enfance en utilisant des me-sures ne nécessitant aucun recours au langage. Dans une tâche d’identification d’images fragmentées, des enfants de 2 ans et demi demandaient effectivement plus souvent un indice après avoir donné une mauvaise réponse qu’après une bonne réponse (discrimination métacognitive). En revanche, ces mêmes enfants étaient incapables de discriminer bonnes et mauvaises réponses quand ils devaient émettre un jugement de confiance explicite sur leur performance. Ces résultats, et d’autres similaires, ont conduits les auteurs à postuler l’existence d’une métacognition précoce de nature implicite, différente de la métacognition explicite dont le développement serait plus tardif.

L'objectif de cette étude est d'étudier le développement précoce de la métacognition de manière longitudinale et d’examiner l'influence potentielle de celle-ci sur le développement de la mémoire (Geurten & Willems, 2016) et sur l'émergence des règles de prise de décision telles que les heuristiques métacognitives (Geurten, Meulemans & Willems, 2018). Pour ce faire, des enfants âgés entre 29 et 34 mois ont été recrutés pour participer à deux phases de testing par an (durant 2 ans). Lors du T1, une tâche mnésique impliquant un jugement métacognitif a été administrée. Cette tâche comprenait 4 phases : l'encodage d’images, la reconnaissance à choix-forcé, le jugement explicite et le jugement implicite. Au T2 (6 mois plus tard), des tâches de reconnaissance mnésique permettant de mesurer l'heuristique de distinctivité ont été proposées.

Les résultats au T1 d'évaluation indiquent des jugements implicites et explicites inférieurs au hasard, sans lien entre eux. En revanche, l'exactitude des jugements implicites apparait meilleure que celle des jugements explicites. Au T2, nous n'avons pas pu observer une amélioration de la sensibilité grâce à l'encodage distinctif des informations. En revanche, nous avons pu montrer que les enfants d'âge préscolaire utilisent effectivement un critère de réponse plus conservateur pour les images (distinctives) et que les compétences métacognitives précoces de type implicite avaient une influence sur ce comportement.