Le cinéma documentaire comme procédure judiciaire : analyse de films d'Errol Morris depuis la phénoménologie de Jacques Derrida jusqu'aux tribunaux

Abstract

Par les sujets qu'il traite comme par les contextes dans lesquels s'ancrent ses films, le réalisateur américain Errol Morris participe tant à l'histoire judiciaire américaine qu'à l'histoire du cinéma documentaire ; ayant par son œuvre permis la libération d'un détenu injustement condamné à mort en 1988, comme à l'inverse mené aux poursuites pénales d'un avocat frauduleux en 2000. Le cinéma documentaire peut-il servir d'indice d'enquête, voire de preuve au tribunal ? Ce mémoire interroge la manière dont Errol Morris réussit par ses œuvres à convaincre le monde du droit : juges, jurés, avocats, enquêteurs en comparant sa méthode filmique à des éléments de procédure judiciaire. Pour ce faire, outre une démarche inductive d'analyse de quatre réalisations cinématographiques de l'auteur : The Thin Blue Line (1988), Mr. Death (1999), « Mr. Debt » (2000) et Standard Operating Procedure (2008), ainsi qu'une œuvre produite par lui : A Wilderness of Error (2020), ce travail offre une réponse philosophique à une question d'ordre juridique en se basant sur la pensée de la déconstruction proposée par le philosophe Jacques Derrida. Les notions de différance, de trace, de signe, de supplément ou encore de stricture proposées par ce dernier servent de lien entre le monde du droit et le monde de la création cinématographique. De surcroît, les raisonnements sont mis en lien avec et parfois comparés à des fondements de la théorie du cinéma, ou encore en passent par des exemples d'œuvres classiques de l'histoire du cinéma.

Through the subjects he deals with and the contexts in which his films are anchored, American director Errol Morris is as much a part of American judicial history as he is in the scope of documentary cinema. His work led to the release of wrongfully convicted death-row inmate Randall Adams in 1988, while in 2000 it initiated to the prosecution of fraudulent lawyer Andrew Capoccia. Can documentary film be used as a clue during investigation, or even as evidence in court? This thesis examines the ways in which Errol Morris manages to convince the legal world – judges, juries, lawyers, investigators – through his work, by comparing his filmmaking with elements of legal procedure. In addition to using an inductive approach to analyse four of his films: The Thin Blue Line (1988), Mr. Death (1999), 'Mr. Debt' (2000) and Standard Operating Procedure (2008), as well as a piece of work produced by him: A Wilderness of Error (2020), this publication offers a philosophical approach to a law-related question through the deconstructionist thinking proposed by philosopher Jacques Derrida. The latter's ideas of différance, trace, sign, supplement and stricture serve as a link between the world of law and the world of cinematography. In addition, the reasoning is linked to and sometimes compared with fundamentals of film theory, or with examples of classic works in the history of cinema.